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BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE
DES MUSICIENS
TOME P REMI EU
IM'Or.lîAI'llIi; KIliMIN DIDOT. — MKS.Ml. (kIIII:).
BIOGRAPHIE
UNIVERSEIXK
DES MUSICIENS
ET
BIlJLIOi^RAPlHE GÉNÉRALE DE L\ MllSIOUE
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DEUXIÈME ÉDITION
ENVlÈRKMtNT REFONDUE ET AUGMENTÉE DE PLUS DE MOITIÉ
PAR F. J. "PETIS
MAITRE DE CHAPELLE DU KOI DES BELGES iHniiCTElIll DU CONSERVATOIKE ROYAL DE MUS10"n DK IIRUXELLES, ETC.
TOME PREMIER
-C-g,i?:;^~^^^^S-ii.
PARIS
LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C"
IMPRIiMEURS DE l' INSTITUT, RLE JACOB, 56
1868
Tous droits réserves.
PREFACE
DE LA DEUXIÈME ÉDITION.
L'histoire de la musique a deux aspects également dignes d'in- térêt : à l'un de ses points de vue, elle nous montre les éléments de cet art coordonnés d'une manière systématique dès les premiers âges du monde. Elle nous apprend que, pleins de reconnaissance pour les émotions douces, consolatrices ou joyeuses qu'ils en rece- vaient, les plus anciens habitants de la terre dont il reste des sou- venirs ont donné à la musique une origine céleste. Partout dans l'antiquité, nous la trouvons mêlée aux mythologies, aux cosmogo- nies, aux théories les plus abstraites de la philosophie. Intimement liée à la poésie , laquelle était toujours chantée , la musique nous apparaît dans le monde habité comme l'expression caractéristique de l'organisation physiologique des peuples , et comme le résultat des climats sous lesquels ils vivaient, des circonstances qui les mo- difiaient, et des phases de leur civilisation.
Le chant populaire est l'histoire vivante de la musique primitive sur toute la surface de la terre ; il semble n'avoir eu d'autre auteur que les peuples eux-mêmes. Il n'a rien d'individuel ; car il émane d'un sentiment commun ; il est l'accent de la voix de tous ; enfin, il est le fruit de l'inspiration collective. Chez toutes les nations, dans l'Inde comme à la Chine, chez les populations arabes, dans la Grèce, en Italie, chez les peuples germaniques et celtiques, le chant po- pulaire, dont le chant religieux n'est qu'une forme, est en quelque sorte l'histoire traditionnelle. Mélancolique ou joyeux, naïf ou pas- sionné, il nous instruit de la situation politique et morale des hom- mes chez lesquels il a pris naissance; il est toujours le produit d'une idée générale, d'un sentiment unanime, ou de certaines croyances qu'il transmet d'âge en âge.
Les progrès delà civilisation modifient les instincts populaires et
Eeferenoe:
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ij PRÉFACE
en altèrent l'originalité. Par degrés ;, les facultés de production spontanée de poésie et de chant s'affaiblissent dans les masses : ce moment est celui où les génies individuels commencent à se révé- ler. L'art tend alors à se modifier, à prendre des formes plus régu- lières, mais non d'une manière complètement indépendante. De cer- taines idées, qui ne sont souvent que des préjugés, s'imposent à l'ar- tiste et limitent l'essor de son imagination. Leur despotime est même parfois si absolu, qu'il devient un obstacle invincible à l'introduc- tion de l'art dans des voies meilleures. On en voit un exemple remar- quable chez les Grecs, où la fausse doctrine de la stabilité de certains principes erronés retint la musique hors de son domaine véritable. Il fallut des siècles pour affranchir le monde de ces erreurs partagées par les plus hautes intelligences , au nombre desquelles on remar- que Platon, Aristote et Plutarque. Toutefois le temps fait toujours son œuvre; des faits inconnus se révèlent; de faibles lueurs se font apercevoir dans le lointain ; insensiblement la lumière devient plus sensible; elle acquiert plus d'éclat et fait découvrir quelque principe inconnu dont les conséquences sont la transformation de l'art, ou même la création d'un art nouveau.
C'est ainsi que le principe de l'harmonie des sons simultanés, méconnu de l'antiquité, comme je l'ai prouvé ailleurs (1), en dépit de tout ce qui a été écrit dans ces derniers temps pour établir le con- traire; c'est ainsi, dis-je, que ce principe s'est introduit dans la mu- sique en Europe pendant les siècles de barbarie, s'y est développé, épuré, pendant le moyen âge, et a donné naissance à l'art véritable ; art pur, idéal, complet, existant par lui-même, et indépendant de toute relation extérieure. Dès qu'il eut été découvert et compris, ce principe devint la base de la musique; car il ne peut en être l'ac- cessoire. Ses conséquences ne furent pas aperçues par ceux qui, les premiers, en firent l'application : ils n'en firent qu'une chose bar- bare dont notre oreille serait blessée, mais qui eut alors ses parti- sans, à cause de sa nouveauté. De longues périodes de temps s'é- coulèrent avant que l'application du principe s'améliorât; mais, par
(1) Voyez mon Mémoire sur t harmonie simultanée des sons chez les Grecs et les Romains. Bruxelles, Muquardt-, Paris, Aubry, 1850, 1 vol. in-4".
DE LA DEUXIÈME ÉDITION. iij
de lents progrès, il finit par se dégager de sa grossière enveloppe, et, par les travaux de quelques hommes d'élite , il créa enfin Tart des successions dans l'harmonie, ou^ ce qui est la même chose, l'ac- cord de l'harmonie avec la tonalité. Dès ce moment (XV siècle) toutes les conséquences de la constitution fondamentale de la musique ar- rivèrent chacune à leur temps. Une carrière immense s'ouvrit de- vant les artistes assez bien organisés pour faire les déductions suc- cessives du principe. Le génie , le talent, se manifestèrent dans la hardiesse de ces déductions et dans le bon emploi qu'on sut en faire. Avec le temps, il en sortit des principes nouveaux et spéciaux, dont les conséquences durent aussi se développer progressivement.
Le premier point de vue de l'histoire générale de la musique est donc celui de l'art en lui-même, se créant, se développant, et se transformant en vertu de principes divers, qui tour à tour se succé- daient. Chacun de ces principes porte en lui toutes ses conséquences ; et celles-ci sont découvertes périodiquement, par des hommes de génie y dans un ordre logique que rien ne peut intervertir, et qui , lorsqu'il est bien observé, inspire autant d'étonnement que d'admi- ration.
Cette histoire de l'art a été l'objet des études , des travaux d'une grande partie de ma vie , et de plus de méditation encore que de travail. Vingt fois je l'ai recommencée, lorsque je croyais connaître mieux les causes des faits , et à mesure que mes aperçus devenaient plus nets, plus simples, plus généraux. Si Dieu m'accorde le temps nécessaire, je la publierai immédiatement après l'ouvrage dont je donne aujourd'hui la deuxième édition; car l'âge m'avertit qu'il faut me hâter et qu'il est temps de finir.
L'autre point de vue de l'histoire générale de la musique est celui qui nous fait connaître la valeur des travaux des artistes, et delà part de chacun d'eux dans les développements et dans les transforma- tions de l'art. Cette autre partie de l'histoire, non moins digne d'intérêt que la première, est l'objet de la Biographie universelle des Musiciens. Je regrettais autrefois d'y avoir consacré trop de temps ; je me félicite aujourd'hui d'en avoir donné beaucoup plus à l'amé- lioration de cet ouvrage; car les tendances oublieuses de notre époque imposent plus que jamais aux âmes courageuses et con-
a.
iv PRÉFACE
vaincues le devoir de protester contre le dédain de l'ignorance pour ce qu'elle ne connaît pas , et de rappeler les titres du génie et du talent à l'admiration universelle. Il y a déjà longtemps que j'ai en- trepris cette tâche par mes concerts historiques^ et que j'ai démontré, par l'exécution d'un choix d'oeuvres empruntées à toutes les époques de l'art harmonique, cette vérité trop méconnue, que l'idée et le sentiment, sous quelque forme qu'on les trouve, et quels que soient les moyens employés pour leur expression, conservent dans tous les temps leur signification et leur mérite. On peut ignorer l'exis- tence des ouvrages qui ont cette valeur; mais on ne pourra jamais les entendre sans qu'ils produisent leur effet. Mes efforts n'ont point été infructueux ; car une réaction s'est opérée dans l'opinion en fa- veur des belles œuvres du passé, et j'ai eu des imitateurs.
L'exactitude dans les faits, la sincérité, l'impartialité dans l'appré- ciation du mérite, sont les devoirs principaux du biographe. La sincérité, l'impartialité, ne sont pas cependant des garanties suffi- santes de la justesse du jugement dans un art qui n'a de règle qu'en lui-même et pour lequel la diversité de goût est le résultat du tempérament autant que de l'éducation. Il faut quelque chose de plus pour donner de l'autorité aux opinions sur la valeur des œu- vres du musicien. Ce quelque chose, c'est la connaissance de tout ce qui est du domaine de la musique. Les gens du monde n'avouent pas volontiers la nécessité de cette connaissance pour l'appréciation d'un art dont ils croient que les produits n'ont d'action que sur la sensibilité. Il n'est pas nécessaire, en effet, de connaître pour éprou- ver de la sympathie à l'audition d'une œuvre musicale et du dégoût pour une autre ; mais ce sont-là des impressions bonnes pour ceux qui les éprouvent et non des jugements. Comme appréciation du mérite des ouvrages, elles n'ont aucune valeur.
Ce que j'appelle la connaissance n'est pas seulement le résultat des études techniques : c'est aussi la philosophie de l'art, qui ne s'acquiert que par l'étude bien faite de son histoire. Quelle place oc- cupe dans cette histoire l'auteur d'une production quelconque ? A quelle époque appartient-il? Quel est le caractère essentiel de son ta- lent? Quel estTolyet de son œuvre? dans quel ordre d'idées l'a-t-il conçue? Quelle était la direction de l'art avant lui ? Quelle modifi-
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calions y a-l-il apportées? Que restè-t-il de lui depuis que d'autres transformations se sont opérées? Voilà les questions qui se présen- tent, pour chacun dans la biographie des artistes^ avant qu'on puisse porter un jugement sain, équitable , de leur talent et de la valeur de leurs œuvres : elles ne peuvent être résolues que par la connais- sance suffisante de toutes les parties de l'art, et cette connaissance doit être accompagnée d'un sentiment fin, délicat, énergique, d'une grande expérience, et d'une disposition éclectique de l'esprit.
Un des plus grands obstacles à la justesse des jugements sur la valeur des œuvres musicales se trouve dans la doctrine du progrès appliquée aux arts. J'ai eu longtemps à lutter contre elle, et j'ai dû supporter d'ardentes polémiques lorsque je soutenais que la musique se transforme, etqu'elleneprogresse que dans ses éléments matériels. Aujourd'hui, en présence de la situation de l'art dans toute l'Europe, on n'ose plus m'opposer le progrès , et l'on garde un silence prudent. Peut-être ne trouverais-je pas maintenant beaucoup d'adversaires si je disais, selon ma conviction , que certaines choses, considérées comme le progrès, sont en réalité la décadence. Par exemple, le développement de la pensée d'une œuvre, dans certaines limites, est, sans nul doute, une condition delà beauté ; mais, si l'on dépasse le but, il y a divagation , et l'effet de la pensée première s'affaiblit. Parvenue au point où elle est aujourd'hui, la manie du dévelop- pement ne produit plus que fatigue et dégoût : c'est la décadence. Le caractère de la grandeur fait naitre notre admiration ; nous le trouvons élevé à sa plus haute puissance dans les œuvres de Haendel, de Gluck, et delà deuxième époque de Beethoven ; mais le gigantesque, le disproportionné, qu'on a voulu réaliser plus tard dans certaines productions, sont des monstruosités qui indiquent une époque d'égarement. La modulation élégante, inattendue, lorsqu'elle n'est pas prodiguée, est une des richesses nées de la tona- lité moderne : Mozart, ce modèle de la perfection , qu'il faut tou- jours citer, y a puisé des effets admirables : mais multipliée à l'excès, employée à chaque instant, pour déguiser la pauvreté de la pensée mélodique, suivant la méthode de certains compositeurs, la modu- lation équivaut à la monotonie , et devient un indice du dépérisse- ment de l'art. Enfin, le coloris instrumental est une des plus belles
vj PRÉFACE
conquêtes de la musique moderne : ses développements ont été le fruit du perfectionnement progressif des instruments et de l'inven- tion de plusieurs nouveaux éléments de sonorité ; mais il ne faut pas en abuser. Rien de trop dans les moyens pour l'artiste qui s'en sert avec goût comme l'ornement d'une pensée belle d'inspiration et d'originalité, et qui, dans la multitude d'effets possibles, sait choisir et trouver à la fois le secret de la nuance propre et celui de la variété; mais l'excès de l'instrumentation ; la fatigue qu'elle cause par la réunion incessante de tous ses éléments ; le bruit, le fracas toujours croissant de ses forces exagérées, dont l'oreille est assour- die de nos jours, c'est la décadence, rien que la décadence, loin d'être le progrès.
Disons-le donc avec assurance : la doctrine du progrès, bonne et vraie pour les sciences comme pour l'industrie, n'a rien à faire dans les arts d'imagination , et moins dans la musique que dans tout autre. Elle ne peut donner aucune règle valable pour l'appréciation du talent et des œuvres d'un artiste. C'est dans l'objet même de ces œuvres, dans la pensée et dans le sentiment qui les ont dictées, qu'il en faut chercher la valeur. Avec des développements peu éten- dus , des modulations simples et rares , enfin, avec une instrumen- tation réduite aux éléments du quatuor, Alexandre Scarlatti a mé- rité la qualification de grand artiste, dans les dernières années du dix-septième siècle. Reinhardt Keiser, qui vécut à la même époque, n^a été surpassé par personne pour l'originalité de la pensée! Enfin, Mozart, qui écrivit Don Juan soixante-quinze ans avantle moment où je trace ces lignes, est resté le plus grand des musiciens modernes,, parce qu'il eut ce qui ne progresse pas, le génie le plus riche, le plus fécond , le plus souple, le plus varié, le plus délicat et le plus pas- sionné, réuni au goût le plus pur.
Il y a des tendances, des formes particulières à chaque époque, que le vulgaire prend pour le beau, parce que la mode leur donne une valeur momentanée. La critique elle-même, cédant à l'entraî- nement du jour, s'y laisse souvent égarer. Mais, après l'engouement vient la réaction : la mode change, et la forme usée, si elle n'a pour soutien la beauté de la pensée, disparaît sans retour, pour faire place à des formes nouvelles, dont la valeur n'a pas plus de réalité.
DE LA DEUXIÈME ÉDITION. Vij
Ces variations de goût offrent plus d'un danger au biographe éclairé qui veut remplir sa mission avec impartialité; car d'une part, elles l'obligent souvent à condamner ce qui est admiré par ses contemporains; et de l'autre, à soutenir le mérite des œuvres du passé contre l'opinion du présent. Qu'arrive-t-il de là? C'est qu'on l'accuse d'être réactionnaire, et de dénigrer ce qui est, dans le des- sein d'exalter ce qui n'est plus. J'ai passé parla; mais je ne m'en suis point effrayé. Depuis que j'ai publié la première édition de mon livre , la situation est devenue plus périlleuse , les rangs des grands artistes se sont éclaircis, et la génération actuelle s'est laissé entraîner à d'étranges égarements , sur lesquels il est nécessaire que je m'explique ici.
Ilyaeude tout temps des hommes qui, caressantles penchants mo- mentanés d'un public vulgaire, ont fait de leur art métier et mar- chandise. De nos jours, leur nombre s'est accru dans d'effrayantes proportions. De ceux-là, la critique n'a point à s'occuper : la men- tion sommaire de leurs frivoles productions est tout ce qui leur est dû. Mais le siècle présent a vu se produire, dans les vingt-cinq ou trente dernières années, des artistes plus sérieux qui possèdent une incontestable habileté à se servir des ressources de l'harmonie et de l'instrumentation, et qui aspirent à la réalisation du beau dans leurs ouvrages. Hommes de cœur, ils sont à sa recherche avec bonne foi ; mais une erreur singulière leur fait manquer le but vers lequel ils croient se diriger. Elle consiste à se persuader que le beau n'est pas le simple. Incessamment préoccupés de la crainte de tomber dans le commun, ils se jettent dans le bizarre. La cadence rhythmique des phrases, les conclusions etles repos qui en résultent, sont au nombre de leurs antipathies. Pour les éviter, ils ont un sys- tèmed'enchevêtrementpar lequel, de suspension en suspension, d'in- cidence en incidence, ils prolongent indéfiniment la contexture des périodes ; de telle sorte qu'elles se déroulent comme les papiers sans fin qui se fabriquent à la mécanique, et que leur terminaison ne semble pas avoir de nécessité. Mendelsohn, le premier, s'est jeté dans cette voie où Schumann et d'autres l'ont suivi. Nonobstant le talent réel qui brille en certaines parties de leurs ouvrages, la cause que je viens d'indiquer y jette un vague perpétuel, d'au naissent la fatigue et la
vSj PREFACE
distraction de l'auditoire. Ajoutons à ce défaut considérable l'excès d'un travail harmonique sous lequel la pensée principale est comme étouffée : car la simplicité du style est aussi une des aversions de la nouvelle École. S'ils étudiaient davantage les immortelles produc- tions des grands maîtres qui les ont précédés, les artistes dont je parle verraient que Haydn et Mozart, dans les parties de leurs sym- phonies où le développement du sujet acquiert la plus grande énergie, ont écrit souvent leur harmonica deux parties. Néanmoins ils frappentcomme la foudre, et leur pensée est saisissante de clarté.
Il est une autre cause qui contribue à mettre de l'obscurité dans les productions de l'École nouvelle : je veux parler de l'incertitude qui y règne sans cesse sur la tonalité, parla fréquence des résolutions harmoniques dans des tons différents de ceux où elles devraient se faire d'une manière naturelle. Certes, l'artifice est excellent en soi, et l'on en connaît des exemples dont l'effet est admirable ; mais converti en formule banale , il devient insupportable. On est, dit- on, puni par où l'on pèche : je suis obligé de reconnaître cette vé- rité et de m'en faire l'application; car le premier j'ai fait connaître dans mes cours de philosophie de la musique et dans mon Traité de l'harmonie l'ordre omnitonique produit par les altérations des intervalles des accords, comme le dernier terme de la transition to- nale. Il est vrai que j'y avais mis ce correctif, que l'effet de ces modulations serait d'autant plus grand, qu'on en userait avec plus de discrétion. Les nouveaux compositeurs n'en ont pas jugé comme moi : ils ne prennent qu'un petit nombre de successions omnitoni- ques parmi celles dont j'ai enseigné le mécanisme; mais ils en usent largement et en reproduisent l'emploi jusqu'à faire naître la fatigue et le dégoût. C'est qu'il est plus facile de contracter des ha- bitudes que d'avoir des idées.
Il est une remarque qui peut être tirée de la Biographie uni- verselle des Musiciens , et qui a de l'importance à l'époque actuelle, à savoir, que la spécialité du style a fait les grandes renommées d'artistes. On y voit, en effet, la conscience de ces hommes dé- voués à leur art présider constamment à leurs travaux aussi bien que leur génie. Les compositeurs célèbres qui ont écrit dans tous les genres, particulièrement au dix-huitième siècle, se modifient ^
DE LA DEUXIÈME ÉDITION. \x
se transforment même, en raison du genre qu'ils traitent. Us ont un style pour l'église, un autre pour le théâtre, un troisième pour la musique instrumentale. Ajoutons que sous ces aspects divers où se montre leur talent, ils restent originaux, et se font reconnaître par le cachet de leur individualité. Si l'on accorde quelque attention à ce fait remarquable , on est frappé de la différence qui existe entre cette variété de style de l'art d'autrefois et l'uniformité de l'art d'aujourd'hui. D'où vient cette différence? Certes, ce n'est pas l'ha- bileté qui fait défaut chez quelques-uns de nos artistes ; mais une tendance sociale de l'époque actuelle exerce sur leurs travaux une fâcheuse influence : cette tendance est un besoin général d'émo- tions nerveuses qu'ont fait naître des révolutions multipliées, et qui ont accumulé plus d'événements extraordinaires et de revirements politiques depuis soixante-dix ans qu'il n'y en avait eu en dix siè- cles. Cette disposition fait rechercher le dramatique en toute chose. En musique, le dramatique s'exprime par de certains accents, par de certaines harmonies, par de certaines combinaisons de sono- rités, qui développent l'émotion et la maintiennent dans une pro- gression constante. A la scène, ces choses ont de la valeur si des idées les soutiennent, et si elles ne deviennent pas des recettes ba- nales de moyens; mais ce n'est pas seulement au théâtre que nous les trouvons ; car tout se formule en drame. Dans la messe , le psaume, la symphonie, et jusque dans les moindres bluettes desti- nées aux pianos des boudoirs, nous les retrouvons sans cesse. Par- fois le talent réel se fait apercevoir dans ces choses; mais pourquoi toujours cet entraînement vers le dramatique? Pourquoi ces efforts et ces airs mystérieux pour les choses les plus simples? il n'y a pas de pensée musicale qui conserve sa valeur primitive sous la persistance incessante de ces teintes forcées; et, par une conséquence inévitable, elles anéantissent toute propriété de style et toute possibilité de donner au talent un caractère déterminé. Par l'effet de cette funeste tendance, la plupart des ouvrages que nous voyons se produire tiennent plus ou moins les uns des autres.
Avec une éducation musicale moins complète , les compositeurs français dont les ouvrages brillèrent au théâtre dans la seconde moitié du dix-huitième siècle et au commencement dudix-neuviôme
X PRÉFACE
(pour ne parler que de ceux-là), comprirent bien mieux la destina- tion de l'art et leur mission personnelle. Chacun d'eux resta dans la nature du talent dont il était doué, sans prendre souci de ce qui faisait les succès d' autrui. Philidor, Monsigny, Grétry, D'Alayrac, Méhul, Berton, Boïeldieu, brillent par les qualités qui leur sont pro- pres. Chacun d'eux est un type qui ne se confond pas avec un autre. Tous sont devenus des modèles : celui-ci d'une exquise sensibilité ; celui-là , d'esprit scénique et de vérité d'accent; cet autre, d'énergie dramatique ; ce quatrième, d'élégance et de grâce. Tous sont restés dans la sphère de leur sentiment , et par cela même, leurs produc- tions conserveront leur valeur dans tous les temps.
C'est, je l'avoue, un sujet de profond étonnement pour moi que l'obstination de la plupart des artistes de notre temps à persévérer dans leur système d'uniformité de style ; système si contraire à la destination de la musique , et si peu favorable aux succès qu'ils s'efforcent d'obtenir! Plusieurs m'accusent de sévérité, d'injustice même à leur égard ; mais quoi ? ne voient-ils pas le froid accueil fait à leurs productions par les auditoires les plus intelligents? N'ont-ils jamais mis en parallèle l'oubli dans lequel leurs ouvrages tombent tour à tour, en dépit de tous les moyens employés pour leur donner du retentissement, avec l'admiration universelle dont jouissent les œuvres des grands maîtres , parmi lesquelles il en est qui comptent près d'un siècle d'existence ? Cette comparaison n'est- elle pas assez significative, et ne m'absout-elle pas de toute suspi- cion de partialité ? Ils affirment qu'on ne les comprend pas : qu'est- ce à dire? Les œuvres d'art sont-elles des énigmes, des problèmes? La musique dont une bonne exécution ne donne pas l'intelligence est un art qui s'égare.
Les compositeurs dont je viens de parler n'ont que le tort de faire abus des moyens qui leur sont offerts par l'art, et d'en faire des formules; car d'ailleurs ils respectent cet art et ne sortent pas de son domaine. Il n'est pas de même d'une secte qui a pris naissance en Allemagne depuis peu d'années, et dont les efforts ne vont pas à moins qu'à l'anéantissement de la musique dramati- que, ou plutôt de toute musique. Le chef et les disciples de cette secte nient la tonalité, le rhythme périodique, les lois de l'harmonie
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en ce qui concerne la nécessité de la résolution des dissonances. Au théâtre, ils repoussent l'opéra et n'admettent que le drame. Leur principe esthétique, disent-ils , est le vrai. Or, suivant eux , toutes les formes adoptées jusqu'à ce jour pour la musique de la scène sont en opposition avec ce principe ; car l'air, par exemple, n'existe que par la répétition fréquente des paroles, laquelle n'est pas dans la nature. Le duo, le trio, tous les morceaux d'ensemble, en un mot , sont frappés de la même réprobation , parce qu'il est égale- ment hors de toute vraisemblance que les personnages d'une action dramatique parlent tous à la fois. Le chœur seul est admis, parce qu'il est l'expression des sentiments qui animent les masses. La mélodie n'échappe pas à la proscription, parce que ses formes s'éloi- gnent delà vérité de la déclamation : elle ne peut avoir d'existence que dans la ballade, dans la chanson, parce que le chant est dans la nature et que le chanteur ne parle pas. Le récitatif seul , s'il n'est qu'une déclamation notée, est la musique qui convient au drame : il doit être interrompu ça et là par des phrases isolées de chant ou de musique instrumentale par lesquelles chacun des personnages est caractérisé !
Ainsi qu'on le voit, la secte dont je parle est réaliste. Son principe du vrai n'est autre que la fausse doctrine de l'abbé Batteux , de Burk, de Diderot et de leurs disciples, à savoir que les arts ont pour objet rimitation de la nature : opinion dérivée d'un système de phi- losophie sensualiste. Dans son application même aux arts du dessin, à la peinture, à la sculpture, une doctrine semblable ne peut avoir pour résultat le beau, qui doit être le but du travail de l'artiste. L'homme n'est pas le copiste de la nature : il s'inspire simplement de son spectacle et lui dérobe ses formes pour en composer des œuvres qu'il ne doit qu'à son propre génie. Si l'artiste n'avait pour objet de son œuvre que l'imitation de la nature , son travail serait pour lui une cause de continuelles déceptions et de désespoir; car la vie réelle, qui anime la nature, donnerait toujours au modèle une in- comparable supériorité sur la copie.
En donnant cette imitation pour but aux arts, on suppose né- cessairement que l'illusion est pour eux le dernier terme de la per- fection; mais pour avoir la preuve de la fausseté d'une semblable
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conception , il suffit de se souvenir du Diorama, où la représenta- tion atteint un degré d'illusion qu'on ne trouvera jamais dans la peinture véritable. Tous les objets y sont à leur place et en relief; il semble que la main va les toucher. Cependant, qui a jamais songé à mettre en parallèle les tableaux du Diorama avec ceux qui font la gloire de nos grands peintres, si ce n'est le vulgaire, dont les sens sont plus exercés que l'intelligence et le sentiment? Loin d'être un perfectionnement de la peinture par l'exactitude de la représenta- tion, le Diorama est, au contraire, dans un ordre très-inférieur, par cela seul que son but est l'illusion. Ce qui le prouve, c'est que la na- ture organique ne peut paraître dans ces tableaux qu'à l'état de ca- davre : l'homme debout y manquerait de mouvement et de vie; dès lors l'illusion serait détruite. Or, personne n'a jamais remarqué que les personnages ne se meuvent pas dans les tableaux des grands artistes ; car ceux-ci y ont mis la vie et le mouvement de l'art, qui ne sont pas ceux de la nature. Dans ces derniers temps, un peintre français s'est dévoué à la réalisation de l'imitation exacte de la na- ture : on sait quelles grossières images en ont été le produit.
Si l'imitation de la nature n'est pas l'objet essentiel des arts dont les produits offrent les représentations du monde extérieur j en un mot; si leur but est le beau et non le vrai, que dira-t-on de la mu- sique , l'art idéal par excellence? N'ayant pas d'autre programme que les inspirations du génie de l'artiste, et ne pouvant réaliser le beau que dans le libre exercice de cette faculté , que peut-on es- pérer des limites imposées à l'imagination par la nécessité du vrai ? La musique dramatique a sans doute pour mission d'exprimer les sentiments des personnages mis en scène, mais avec les moyens qui lui sont propres et les formes qui la constituent comme art. Elle est aussi vraie qu'elle doit l'être , quand elle fait passer l'émotion dans l'àme des spectateurs, et elle a de plus l'immense mérite d'être belle par le caractère d'originalité que lui imprime le talent de l'artiste. Gluck a porté aussi loin qu'il a pu la puissance de l'expression dramatique , mais en restant dans les limites de l'art : en portant ses tendances jusqu'aux derniers excès, la secte des réalistes en musique s'affranchit de ces limites , et dans ses œu- vres monstrueuses, elle parvient jusqu'à l'anéantissement des con-
DE LA DEUXIEME EDITION. xiij
ditions en vertu desquelles l'art existe, pour lui substituer des pué- rilités qui ne peuvent faire naître chez les gens de cœur que le dé- goût et l'ennui.
11 faut aimer l'art ou n'être pas artiste ; car lui seul peut donner la récompense des sacrifices qu'on lui fait. La démonstration de cette vérité se trouve partout dans la biographie des musiciens cé- lèbres. C'est par l'amour pur et désintéressé de leur art; c'est en le faisant le but unique de leur existence, qu'ils ont produit les gran- des et belles œuvres qui recommandent leur mémoire à l'admiration de la postérité! Quiconque aspirera à se placer au rang de ces grands hommes devra les imiter dans leur noble abnégation des autres jouissances. A l'époque actuelle, ce détachement devient, à la vérité, plus difficile et plus méritoire ; car la carrière des artistes est incessamment menacée par un mal d'autant plus dangereux, qu'il est dans sa nature de s'accroître, au lieu de s'affaiblir. Je veux parler du matérialisme pratique, de la fièvre industrielle et finan- cière, enfin, de l'amour insatiable du bien-être et du luxe qui gou- vernent aujourd'hui le monde.
Rien n'est plus antipathique, rien ne peut être plus préjudiciable au sentiment de Fart qu'une telle situation. Les préoccupations de l'esprit, dans cet ordre de choses, ne laissant point aux populations la liberté nécessaire pour accorder à la poésie, à la musique, l'at- tention et l'intérêt qu'elles réclament. Ce qu'on demande mainte- nant à ces arts, ce ne sont plus les jouissances de l'âme, mais l'émo- tion nerveuse et la distraction. Si la peinture est plus favorisée, c'est que ses produits deviennent une valeur réalisable sur laquelle la spéculation peut s'exercer. A voir avec quelle rapidité diparais- sent de la scène les œuvres des meilleures artistes, et le profond oubli dans lequel elles tombent peu de temps après qu'elles ont vu le jour, on ne peut se dissimuler que la nouveauté est devenue, pour une population distraite et préoccupée, le mérite le plus considé- rable de ces ouvrages : lorsque sa curiosité est satisfaite, tout in- térêt d'art disparaît.
Quelle affligeante comparaison nous pouvons faire de cette situa- tion avec les époques antérieures de la musique dramatique ! Con- sidérons la période comprise entre 1775 et 1830, nous y verrons,
xiv PRÉFACE
non-seulement les artistes et les amateurs, mais tout ce qui compose le public habituel des théâtres, émus et charmés par les œuvres de Gluck, de Piccinni, de Sacchini, de Mozart, de Paisiello, de Cima- rosa, de Grétry, de Chérubini, de Méhul, de Berton, de Spontini, de Rossini, de Weber! Les œuvres mêmes qui n'avaient pas réussi à la scène étaient autrefois des sujets d'étude pour les uns ; pour les autres, des objets d'admiration. Des livrets dépourvus d'intérêt ou mal coupés pour la musique avaient, ou causé la chute, ou borné le succès des partitions de Sacchini, Renaud, et Chimène; à^Iphigénie en Tauride, de Piccinni ; de Loc?oïsA;a, deMédée,d'Élisa, à'Anacréon, des Ahencérages , de Chérubini ; de Phrosine et Mélidor, à^Ariodant, à'' Adrien, de Méhul ; mais ces partitions étaient recherchées, applau- dies avec enthousiasme dans les réunions d'artistes et d'amateurs; on les trouvait dans toutes les bibliothèques. Les œuvres de tous les grands musiciens, de quelques pays qu'elles vinssent, à quelque école qu'elles appartinssent, étaient répétées dans les concerts et dans les salons ; la vie de l'art était répandue dans la société. D'autre part , ceux que le succès avait couronnés au théâtre n'en disparaissaient pas. Les compositeurs avaient un ré- pertoire , comme on disait alors ; et, lorsque l'âge avait éteint leur imagination , lorsqu'ils sortaient de la carrière active , la représen- tation perpétuée de leurs ouvrages leur assurait une existence in- dépendante pour la vieillesse. Au lieu de cela, que voyons-nous maintenant? Auber, artiste de premier ordre, a écrit plus de qua- rante ouvrages qui , presque tous , ont eu de brillants succès ; Ha- lévy, homme d'un talent bien supérieur à ce que pense le vulgaire, a produit aussi un nombre considérable de belles partitions ; qu'est devenu leur répertoire à Paris ?
Que résulte-t-il de cet état de choses? Hélas! le plus grand mal qui puisse se manifester, c'est-à-dire, l'ébranlement de la foi dans l'art chez les artistes. Pour qui considère avec attention, ce scepti- cisme est de toute évidence : le découragement en est la conséquence inévitable. L'art ne se prenant plus au sérieux, on n'est occupé que de la recherche de l'effet momentané. On ne sait plus que faire pour amuser le public, médisait, il n'y a pas longtemps, un des jeunes compositeurs qui écrivent habituellement pour la scène. Amuser!
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c'est donc à cela que l'art est descendu? Qu'on ne s'y trompe pas : si les artistes acceptent cette dégradation de la musique, c'en est fait d'elle pour l'avenir, ou du moins pour longtemps. C'est à eux qu'il appartient de résister à cette déplorable tendance par toutes les forces de la conviction, par toutes les ressources du talent. Qu'ils se gardent bien d'accepter à la lettre cet axiome si souvent répété, qu'on ne réforme pas son temps ; qu'ils se persuadent , au contraire , qu'on le domine quand on est fort par la tête et par le cœur. Qu'ils prennent exemple de quelques hommes d'élite qui, défenseurs dé- voués de la philosophie morale, menacée par les tendances actuelles, n'ont pas désespéré de la vertu , et ont écrit récemment des livres aussi remarquables par l'honnêteté du but que par l'évidence des principes et le talent du style. Certes, rien n'est plus opposé à la morale de ces livres que les entraînements de notre époque ; ce- pendant le plus beau succès en a signalé la publication ; les édi- tions s'en sont multipliées , et leur éloge s'est trouvé dans toutes les bouches. C'est que dans les sociétés les plus corrompues , il y a tou- jours de nobles cœurs que n'ébranlent pas les vices de leur temps, et qui imposent aux autres. De même, alors que le goût se déprave et semble s'anéantir, il se trouve des âmes heureusement douées qui ne perdent jamais le sentiment du beau, qui lui vouent un culte, et qui le préservent du naufrage. C'est pour ces organisations excep- tionnelles et pour lui-même que l'artiste doit travailler pendant les périodes d'égarement des sociétés civilisées : elles sont en petit nombre , sans doute, mais elles finissent par dominer le sentiment vulgaire de la foule.
On objectera peut-être que travailler pour le petit nombre ne conduit ni au succès ni à la fortune. Mais, qu'est-ce que le succès momentané qui ne repose pas sur des beautés réelles ? Qu'est-ce que la fortune pour qui trouve ses jouissances les plus vives dans la culture de son art, et qu'est-il besoin pour l'artiste des raffinements du riche? Ce qu'il doit laisser à la postérité, ce sont de beaux ou- vrages, non des palais et des meubles somptueux. Que ceux qui ne se trouvent pas assez récompensés de leurs efforts par le plaisir que donne le travail et par une position modeste, lisent la biographie des grands hommes qui sont nos maîtres et nos modèles ! Qu'ils voient
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Jean-Sébastien Bach élevant sa nombreuse famille avec le mince re- venu d'un emploi dont ne se contenterait pas aujourd'huile plus mi- nime coryphée de nos théâtres, et de plus obligé d'y ajouter le pro- duit de ses leçons et des copies qu'il faisait lui-même de ses ouvrages ; toutefois , il était heureux en écrivant de magnifiques composi- tions dont le retentissement n'allait pas au-delà de l'enceinte d'une petite ville, et qui, publiées pour la première fois un siècle après la mort de leur auteur, frappent aujourd'hui les artistes d'admiration et de stupeur. Qu'ils suivent pendant toute sa vie le compositeur le plus original, le plus complet, Mozart, dont le nom ne se prononce pas sans éveiller l'enthousiasme : ils le verront incessamment aux prises avec les embarras d'une existence précaire ; mais il suffit de lire sa correspondance pour comprendre les joies dont son coeur était inondé lorsque lui venaient les inspirations à'Idoménée, de Don Juan et des Noces de Figaro. Qu'on examine la position de Beetho- ven : il ne trouvait pas dans le produit de ses nobles créations un revenu suffisant pour ses modestes besoins ; il ne fut à l'abri de la misère que par la générosité d'un prince impérial. De plus, par une cruauté inouïe du sort , il était privé de l'ouïe , et ne goûtait jamais le plaisir d'entendre exécuter ses ouvrages. Que lui restait-il contre tant d'infortunes? il nous l'apprend dans son testament ; l'art l'a soutenu. Quels artistes que de tels hommes! Quel dévoùment à l'art que le leur, et qu'on serait heureux au même prix de le porter si haut !
J'ai dit qijie si l'art ne progresse pas , il n'en est pas de même de la science : or, il y a la science de l'art. Celle-là a fait des progrès immenses depuis cinquante ans. Préparée par de laborieux et utiles travaux, pendant le dix-huitième siècle, elle s'est enrichie dans celui-ci de l'esprit de méthode , sans lequel il est impossible de fonder une science véritable. La plupart des questions fondamentales, ou simple- ment entrevues autrefois, ou dénaturées par l'esprit de système qui régna surtout au dix-huitième siècle, ont été examinées de nouveau , dans des vues plus philosophiques et plus saines. La théorie de l'har- monie, livrée depuis Rameau à un vain étalage de calculs et d'ex- périences de physique, a été ramenée à son principe évident, lequel est purement métaphysique, puisqu'il s'agit d'un art qui, comme
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tel, ne peut avoir de base que dans l'intellig-ence et dans le senti- ment. Ramenée à ce point de vue , la théorie de l'harmonie s'est trouvée d'accord avec la constitution des tonalités, ainsi qu'avec l'histoire de la musique en général, et a présenté les développe- ments de ses phénomènes dans un ordre parfaitement identique à celui des transformations de l'art.
Quant à l'histoire de la musique en elle-même, pour laquelle Marpurg, le P. Martini, l'abbé Gerbert, Burney, Hawkins et Forkel ont fait des recherches très-estimables , mais qui n'avait pas été exa- minée suffisamment à ses sources, et pour laquelle d'ailleurs l'esprit critique et philosophique manquait à ces écrivains , on peut dire avec assurance que depuis peu d'années seulement on est entré dans la voie qui seule peut conduire au but, parce qu'on s'est attaché à la recherche des monuments pour les étudier avec soin. A vrai dire, on n'a fait jusqu'à ce jour que de l'archéologie musicale : l'histoire de la musique proprement dite n'existe point encore; mais on en a éclairci des points intéressants. En cela, l'ordre naturel a été suivi; mais il y a loin de la patience dans les recherches à la conception d'un ensemble complet et à l'esprit généralisateur sans lequel un tel ensemble ne peut être formé. Peut-être l'historien de l'art se trouvera-t-il enfin.
La science de l'acoustique, ébauchée au dix-septième siècle, n'est entrée dans son domaine véritable, c'est-à-dire dans la physique ex- périmentale, que par les travaux de Chladni et de Savart. Les décou- vertes de ces hommes si distingués, celles de M. Cagniard de Latour et de quelques autres savants , ont donné des bases certaines à une science qui n'existait auparavant que de nom.
Enfin, une science plus nouvelle, la science de la science, c'est-à-dire la philosophie de la musique , a pris naissance de nos jours. Une de ses parties seulement, Veslhéiique , a été traitée dans quelques ouvrages spéciaux, suivant des vues plus ou moins justes, plus ou moins étendues ou circonscrites, et avec une connaissance plus ou moins suffisante de l'art. L'ensemble de cette science a été l'objet d'un grand travail qui n'a point encore vu le jour.
La Biograp/iie universelle des Musiciens renferme des renseigne- ments sur tous les ouvrages qui ont pour objet l'une ou l'autre de
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ces parties de la science générale de la musique, et sur leurs au- teurs.
On a dit souvent, et l'on dit peut-être encore , en parlant de l'au- teur d'un dictionnaire historique de la nature de celui-ci , le com- pilateur de cette biographie. L'expression ne manque pas de justesse pour certains ouvrages dans lesquels les écrivains copient simple- ment leurs devanciers^ prenant un peu partout, et montrant dans la critique ou l'impuissance, ou la partialité inspirée par des pré- jugés d'époques, de pays, et d'école; mais on ne peut nier que cette partie de la littérature a fait de remarquables progrès dans le dix -neuvième siècle, particulièrement en France. Une biographie générale n'aurait plus la moindre chance de succès , si elle n'était qu'une compilation. Comme dans toutes les études historiques, les auteurs de bons ouvrages de ce genre ont reconnu la nécessité de remonter aux sources, de comparer les autorités, d'en discuter la valeur, au lieu d'accepter simplement les faits transmis par la tra- dition.
C'est un long et rude travail, lorsqu'on veut le fairebien. Les dif- ficultés se multiplient à mesure que le cadre s'élargit. Dans une monographie, les erreurs sont moins excusables que dans un recueil biographique qui embrasse toute une époque, tout un pays, ou toute une catégorie de savants, de littérateurs ou d'artistes. L'im- possibilité d'éviter la multiplicité des erreurs dans une biographie générale qui serait faite par un seul homme a déterminé les édi- teurs d'ouvrages de ce genre à partager le travail entre un certain nombre de rédacteurs , à raison de la spécialité de leurs connais- sances. Des recueils estimables, bien qu'ils ne soient pas à l'abri de tout reproche , ont été le produit de cette méthode ; mais il serait difficile que la collaboration aboutît heureusement dans une bio- graphie collective d'artistes qui ont cultivé le même art, particuliè- rement la musique, laquelle fait naître une si grande diversité de goûts, d'opinions et de doctrines. 11 est hors de doute que l'unité de vues est indispensable dans un ouvrage de cette nature : pour qu'elle y fût, j'ai dû entreprendre seul la tâche immense qui m'était pré- sentée. Il en est résulté des avantages évidents, mais aussi de graves inconvénients ; car, lorsqu'il s'agit de faits, un seul homme ne peut
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tout savoir, quelque soin qu'il prenne de s'informer, ei de quelque résolution qu'il soit animé.
Le travail auquel je me suis livré pour la composition et pour l'amélioration de la Biographie universelle des Musiciens a été d'au- tant plus considérable, que je me suis imposé la tâche de rendre cet ouvrage aussi exact, aussi complet qu'il m'a été possible, en ce qui concerne les renseignements bibliographiques. Quelques-uns de mes lecteurs penseront peut-être que j'ai poussé trop loin cette recherche ; d'autres me reprocheront, au contraire, de n'avoir pas fait assez; car tout le monde ne cherche pas les mêmes choses dans un livre. Quoi qu'il en soit, je considère la bibliographie comme digne de beaucoup d'intérêt pour l'histoire de l'art et de la science. Pour de certains travaux, elle est une nécessité. Je n'ai donc pas dû négliger ce qui pouvait rendre meilleure cette partie de mon livre. En dépit de ma patience et de mes soins, j'ai bien peur qu'elle ne soit encore imparfaite ; car il est des faits dans la science des livres qui ne sont indiqués nulle part, et que le hasard seul fait découvrir.
Si l'on compare la deuxième édition de la Biographie universelle des Musiciens avec la première, on la trouvera immensément augmentée dans la nomenclature des artistes, et l'on verra que la plupart des articles anciens ont été remaniés, complétés, purgés des erreurs de faits et de dates qui s'y étaient glissées; enfin, que beaucoup d'autres ont été refaits en entier, d'après de meilleurs documents. De longs voyages entrepris à diverses époques, dans l'espace de vingt ans, en Allemagne, en Italie, en Angleterre et en France, m'ont fait re- cueillir de précieux matériaux dans les grandes bibliothèques , ainsi que beaucoup d'ouvrages rares. Plusieurs hommes de haut mérite et des amis dévoués m'ont aidé dans mes recherches et m'ont fourni des indications nombreuses pour le perfectionnement de mon livre. Ma reconnaissance doit signaler en particulier Dehn , érudit conser- vateur de la riche collection d'œuvres musicales de la bibliothèque royale de Berlin , qu'une mort prématurée vient d'enlever à sa fa- mille, à ses amis, au monde musical, et dont l'inépuisable obli- geance a été pour moi un véritable trésor; M. Gaspari, de Bo- logne, bibliographe exact, consciencieux, et musicien fort instruit; Auguste Gathy, au cœur noble et pur, également frappé par la mort
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XX PREFACE
depuis peu , et qui, animé du sentiment le plus généreux, a puisé dans les matériaux de la nouvelle édition qu'il préparait de son Lexique musical delà Conversation, et les a mis à ma disposition, par- ticulièrement sur ce qui concerne les artistes allemands de l'époque actuelle ; M. Danjou, mon digne ami et ancien collaborateur, à qui je suis redevable de notes pleines d'intérêt sur des manuscrits peu ou point connus que renferment les bibliothèques de Florence, de Rome et d'autres villes d'Italie ; M. Gachard, membre de l'Académie royale de Belgique et conservateur des archives générales du royaume , ainsi que M. Pinchart, laborieux et exact employé des mômes ar- chives; M. Léon de Barbure, amateur de musique et littérateur distingué , qui m'ont fait connaître des documents authentiques inconnus jusqu'à ce jour, lesquels jettent une vive lumière sur les origines de l'ancienne école des musiciens belges et néerlandais ; M. de Beauchesne , secrétaire du Conservatoire impérial de musique de Paris, dont l'obligeance ne se lasse point à fouiller dans les re- gistres de cette école , pour me fournir des faits et des dates sur les artistes qui y ont reçu leur éducation nmsicale ; enfin M. Théodore Parmentier, officier supérieur du génie de la plus grande distinction, amateur de musique fort instruit et compositeur, qui a bien voulu relire mon ouvrage mot à mot pour m'en signaler les erreurs de détails , et pour relever toutes les fautes typographiques. Je les prie de recevoir ici l'expression de ma sincère gratitude.
La critique de certains écrits, ainsi que celle des journaux pu- bliés en divers pays , m'a été fort utile , bien qu'elle n'ait pas été toujours bienveillante et qu'elle se soit quelquefois fourvoyée; car la vérité, lorsqu'elle se fait jour, est bonne à prendre partout. Cette critique s'attache parfois à des minuties auxquelles j'avoue que j'ac- corde assez peu d'importance. Personne plus que moi n'a le désir d'être exact dans les faits, car c'est un devoir de l'être autant qu'on le peut; mais, enfin, si je me trompe sur une date , si je dis André pour Miclwl, ou Michel pour Ajidré; si ma mémoire, qui me servait si bien autrefois et qui maintenant m'abandonne, me trahit sur quelque circonstance peu importante, je confesse que je ne suis nullement disposé à m'en désespérer. Ce n'est pas dans de pareilles choses que consiste la valeur de mon œuvre : je la place plus haut.
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J'abandonne donc volontiers à mes aristarques de détails le plaisir de me donner sur les doigts dans ces occasions. Mais, si je me suis montré facile sur ce qui me concernait personnellement dans les attaques dirigées contre mon livre; si depuis longtemps je garde le silence; si j'ai évité avec soin toute polémique à ce sujet, il ne faut pas qu'on se persuade que j'aie accepté comme fondées des criti- ques de faits historiques contre lesquels on n'a opposé que des sup- positions gratuites ou des textes mal compris. J'ai attendu seule- ment avec patience que le moment fût venu de faire triompher, non ma cause personnelle, qui est de peu d'intérêt, mais celle de la vérité, que personne n'a le droit d'abandonner. Or, les faits dont il s'agit appartiennent à l'histoire de la musique , et c'est-là seule- ment qu'ils peuvent être discutés avec les développements néces- saires. La biographie de certains hommes éminents s'y trouve intimement liée par la part qu'ils y ont prise; mais les limites d'une notice biographique, qui n'est point une monographie, ne permettent pas ces développements : les faits ne peuvent donc y être présentés qu'avec brièveté. J'attendrai le moment où la pu- blication de mon Histoire générale de la Musique me permettra de dissiper les ténèbres et de mettre la vérité dans tout son jour. Tou- tefois, il me paraît nécessaire de faire voir, par deux exemples, les difficultés qu'on m'a faites, et de constater les erreurs de mes ad- versaires. C'est ce que je vais faire avec autant de rapidité que je pourrai.
On sait que l'histoire de l'art n'a pas de nom plus célèbre , plus populaire que celui de Guido, ou Gui d'Arezzo. Huit siècles ont con- sacré sa gloire universelle. Les manuscrits des ouvrages de ce moine sont répandus et multipliés dans toutes les grandes bibliothèques de l'Europe , et depuis soixante-quinze ans ceux qui lui appartien- nent, ainsi que d'autres qu'on lui attribue , ont été publiés dans la collection des auteurs ecclésiastiques sur la musique dont le prince- abbé Gdrbert est éditeur (1). Rien de plus facile donc que de savoir, par les paroles mêmes de Guido, ce qu'il a fait pour mériter une si grande renommée: il semble qu'il ne s'agisse que de lire et de
' (1) Scr/piares ecclesiastici de Musiea sacra potissimum, 1784, 3 vol. m-4"'.
XX ij PRÉFACE
comprendre; mais, soit que la paresse humaine s'accommode mieux de traditions vulgaires que du soin d'en vérifier la valeur; soit que comprendre ne soit donné qu'à peu d'intelligences, on se plait à répé- ter de vieilles erreurs sur les résultats des travaux du célèbre bé- nédictin ; erreurs presque aussi anciennes que lui, et que le chroni- queur Sigebert de Gemblours propageait dès le commencement du douzième siècle.
Si l'on en croit les traditions, Guido ne serait pas moins que l'in- venteur de la gamme, dont il aurait pris le nom du gamma grec em- ployé pour représenter la note la plus grave de l'échelle des sons. Il serait Fauteur des noms des six premières notes de cette gamme, ut, ré, mi, fa, sol, la, qui sont encore en usage en France , en Bel- gique et dans l'Europe méridonale , et les aurait tirés de la pre- mière strophe de l'hymne de Saint-Jean :
UT queant Iaxis REsonare fibris , Mira gestorum FAmuli tuorum, SOLve poUuti LAbii reatum, Sancte Johaanes.
Et, comme il n'y a là que six noms de notes, il aurait réduit l'échelle diatonique à six sons, c'est-à-dire à l'hexacorde, et aurait imaginé le système monstrueux de solmisation qui fut en usage depuis le douzième siècle jusqu'au commencement du dix-huitième ; système d'après lequel les noms des signes représentatifs des sons changeaient à chaque instant dans un même chant, et qu'on appelait, à cause de cela, système des muances. De plus, comme il fallait un guide au mi- lieu de ce dédale, Guido aurait inventé la main musicale, méthode à l'aide de laquelle on retrouvait les noms de l'échelle générale des sons, au nombre de dix-neuf, sur les articulations des doigts de la main gauche, suivant un certain ordre de classement. Savoir sa main fut la science première de tout musicien , depuis le moyen Age jusqu'à la seconde moitié du dix-septième siècle.
Suivant la tradition , les innovations de Guido ne se seraient pas bornées à ces choses : il aurait inventé la notation du plain-chant
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maintenant en usage , et que beaucoup d'écrivains désignent en- core sous le nom de notation guidonienne; on lui devrait l'existence du contrepoint j du monocorde, du clavecin et de plusieurs autres instruments. La plupart de ces erreurs ont été répétées par Mersenne, par Kircher, dans leurs volumineuses encyclopédies de musique , par Brossard et par Jean-Jacques Rousseau , dans leurs dictionnaires, ainsi que par Angeloni , dans sa Monographie sur la vie et les tra- vaux de Guido d'Arezzo.
Dans l'article de la Biographie universelle des Musiciens sur cet homme célèbre , j'ai démontré, par des passages extraits de ses ou- vrages, ainsi que par son silence sur ce qui lui est attribué, que rien de tout cela ne lui appartient. S'il indique le chant de l'hymne de Saint-Jean , c'est comme un exemple, pour atteindre le but qu'il se propose. Il écrit à un moine de ses amis, et lui explique sa méthode pour enseigner à retenir les sons qui correspondent aux signes de la notation. « Si vous voulez, dit-il, fixer dans votre mémoire un son ou « une note, de manière à pouvoir l'entonner quand vous voudrez, « en quelque chant que ce soit , que vous le sachiez, ou que vous « l'ignoriez , choisissez une phrase mélodique qui vous soit fami- « lière , et au commencement de laquelle se trouve ce son ou cette « note ; lorsque vous voudrez vous souvenir de celle-ci , vous aurez (( recours à cette mélodie. Soit, par exemple , ce chant dont je me « sers pour les enfants qui commencent comme pour ceux qui sont « plus avancés (1). »
On voit avec évidence, dans ce passage, que Guido ne veut ensei- gner qu'un procédé de mnémonique pour fixer dans la mémoire les intonations correspondantes aux signes. L'exemple qu'il donne est choisi avec intelligence , parce que le chant s'élève d'un degré à chaque hémistiche, de telle sorte que par le moyen d'une seule mé- lodie, six sons différents pouvaient être fixés dans la mémoire. Mais
(1) Si quam ergo vocem vcl neumam vis ita memoriae coramendare, ut ubicum- que velis, in quocumque cantu, quem scias, vel nescias, tibi mox illum indubitante possis enuntiare, debes ipsam vocem vel neumam in capite alicujus notissimœ sym- pboniae notar€, et pro unaquaque voce memoriae retiuenda bujusmodi syniphoniam in promptu habere, quae ab eadem vocem incipiat : utpote sit hsec symphonia, qua ego docendis pueris imprimis atque etiam in ullimis utor.
xxiv PRÉFACE
les vues de Guido n'allaient point au delà. Il est si vrai qu'il n'en- seignait pas une nomenclature de notes dans son école, que Jean Cotton, premier commentateur de Guido, et qui écrivait dans les dernières années du onzième siècle , ou au commencement du dou- zième dit on ces termes précis, dans le premier chapitre de son traité de musique : « Les Anglais, les Français et les Allemands se servent « de ces six syllabes ut, ré, mi, fa, sol, la; mais les Italiens en ont « d'autres (1). » Or c'est en Italie que Guido enseignait.
Il n'a pas plus imaginé l'hexacorde que la méthode des muances, dont il ne dit pas un mot. Il y a à ce sujet quelque chose de plus qu'une preuve négative ; car il dit d'une manière formelle : « Comme « il y a vingt-quatre lettres dans toute écriture, de môme, nous avons « aussi sept sons dans toute espèce de chant; car ainsi qu'il y a sept « jours dans la semaine, de même il y a sept sons dans la musi- « que (2). )) 11 n'est pas davantage l'auteur de la main musicale, car il n'y a pas un mot qui concerne cette méthode dans un seul de ses ouvrages.
Il n'a pas donné le nom de gamme à l'échelle diatonique des sons ; car ce mot ne se trouve pas une seule fois dans ses écrits. Il donne à cette ccnelle le nom de monocorde, parce que ses degrés sont mar- qués sur la table de cet instrument. Enfin, il ne s'attribue pas l'ad- jonction du gamma grec aux lettres romaines pour la représenta- tion du son le plus grave de l'échelle générale; car il dit lui-même que ce sont les modernes (relativement à lui) qui ont fait cette ad- jonction (3).
Guido n'a point inventé la notation actuelle du plain-chant, qu'il n'a pas plus connue que ses contemporains. Il n'a pas imaginé da- vantage les lignes de diverses couleurs pour reconnaître les signes de certains sons que nous appelons ut et fa, afin d'avoir des points de repère pour les autres signes : il en parle comme de choses con-
(1) Verum Angli, Francigense, Alemanai utuatur his vf, re, mi, fa, sol, la; Itali autem alias habent.
(2) Sicut m omni scriptura XX et IIII litteras, ita in omni cantu septem tantum habemus voces. Nam sicut septem dies in hebdooiada, ita septem sunt voces in musica. (V. Gerb. II, p. 46.)
C3) In primis ponatur F grœcum a modernis adjunctum.
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nues, et ne s'en attribue pas le mérite. D'ailleurs il existe des manus- crits ou des fragments du dixième siècle où ces lignes se trouvent (1). Ce qui appartient réellement à Guido , c'est d'avoir complété la portée de quatre lignes, non pour la notation actuelle du plain- chant , qui lui est postérieure , mais pour fixer la position des signes compliqués de la notation du moyen âge, appelée communément neumatique: parce que ces signes, souvent mal formés et disposés d'une manière irrégulière, jetaient les chantres dans l'incertitude pour les intonations. Au surplus , Guido , qui a expliqua en termes très-précis l'objet du perfectionnement qu'il avait voulu introduire dans cette notation , ne nous laisse pas ignorer qu'il préfère les sept lettres de saint Grégoire. « Nous avons trouvé plus avantageux, dit- « il , de noter avec des lettres seules ; car elles sont ce qu'il y a de « plus facile pour apprendre le chant, si l'on s'en sert avec assiduité « l'espace de trois mois. Les neumes sont en usage parce qu'ils « abrègent : s'ils sont faits avec soin, on les considère comme des « lettres, lorsque celles-ci sont disposées de cette manière, etc. (2). yy Ce raisonnement est très-juste; car les neumes, lorsqu'ils n'étaient pas de simples points, étaient des signes collectifs de plusieurs sons qui abrégeaient les notations; mais les lettres avaient sur eux l'a- vantage de la clarté et de la précision.
A l'égard de l'invention du contrepoint attribuée à Guido, il est hors de doute qu'on' ne trouve dans ses écrits d'autre trace d'har- monie que la diaphonie, c'est-à-dire les successions non interrom- pues de quartes et d'octaves dont Hucbald de Saint-Amand avait donné des règles et des exemples plus d'un siècle avant lui.
Le monocorde, dont on lui a fait également honneur, se trouve dans les traités de musique de Ptolémée et de Boëce, qui datent de plusieurs siècles avant sa naissance. Le jésuite Kircher a voulu aussi
(1) Martiui, Storia délia Musica, t. 1, p. 184.
(2) Solis lUteris notare optimum probavi mus Quihus ad discendum cantum nihil est facilius, Si assidue utuntur saltem tribus mensibus. Causa veio breviandi neumae soient fieri, Quse si curiosœ fiant, habentur pro litteris,
". . ' Hoc si modo disponautur litterae cum lineis.
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qu'il fût inventeur du clavecin et de l'épinette; cela est trop ridicule pour avoir besoin d'être réfuté.
Après avoir mis au néant, par une discussion dont on vient de voir l'aperçu , toutes les fables débitées sur les inventions préten- dues de Guido , j'ai supposé, dans l'article de la biographie, qu'on me ferait cette question : k Si Guido n'est l'auteur d'aucune des in- « novations qui lui sont attribuées et que vous lui refusez , que lui « reste-t-il donc, et sur quelles bases s'est établie sa renommée de- ce puis plus de huit cents ans? » J'ai répondu alors, et je répète aujourd'hui que j'accorde à ce digne prêtre ce qui lui appartient et ce que lui-même réclame, à savoir : une méthode par laquelle il enseignait aux enfants en quelques mois ce que les chantres de son temps ne parvenaient pas à apprendre en dix ans; c'est-à-dire a trouver immédiatement l'intonation représentée par un signe quel- conque de la notation, à l'aide d'un procédé de mnémonique, et d'un monocorde pour les commençants. De plus, il a complété le moyen imaginé avant lui de donner une signification déterminée aux signes de la notation neumatique. C'étaient là des services au temps oùil vivait; car les instruments étaient rares alors, et l'on ne connaissait pas le diapason ou le son modèle. La tradition et la mé- moire pouvaient seules venir en aide pour fixer les intonations.
Qui croirait qu'une discussion si approfondie et si lumineuse ait pu être l'objet d'une critique qui s'exprime en ces termes : « Qui « ne sera étonné après cela de lire dans la Biographie des Musiciens « par M, Fétis (t. IV, p. 458, 2. col.) les paroles suivantes :
« Ce que j'ai rapporté démontre qu'aucune notation n''a été consi- « dérée, spécialement jusqu'au seizième siècle, comme une' invention de « Guido; et que pour l'enseignement du plain-chant, l'usage des an- « ciennes lettres grégoriennes s'était conservé même jusqu'à cette « époque.
a II faut , ou que M. Fétis n'ait jamais lu les écrits de Gui, ou a qu'il compte extraordinairement sur ses lecteurs pour avancer de « telles propositions (l). «
Le P. Lambillotte, jésuite, qui m'adresse ces paroles, ne s'aperçoit
(1) Esthétique ou théorie du chant grégorien, par le P. Lambillotte, p. 2i 4.
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pas qu'il tombe dans l'absurde; car il vient d'écrire à la page pré- cédente (213) : « De plus , il est constant , d'après les paroles mêmes « de notre auteur ( Guidod'Arezzo), que les caractères dont il se c( servit pour le chant dans ces lignes étaient les anciens neumes. » Puis il cite le premier vers : Solis litleris notare, etc. ; mais il sup- prime les deux autres, qui auraient démontré trop évidemment ce que j'avais avancé sur la conservation des lettres grégoriennes pour l'enseignement du chant ecclésiastique.
11 est à remarquer que le P. Lambillotte a traduit dans son livre le micrologue de Guido , sa lettre au moine Michel , et quelques frag- ments d'autres opuscules; qu'il est résulté de ses traductions, pour les moins lettrés, que le moine d'Arezzo n'est l'auteur ni de la nomenclature des degrés de la gamme, ni des hexacordes, ni de la. méthode des muances , ni de la main musicale , ni de l'invention du contrepoint; ce que j'avais démontré dix-huit ans auparavant. Cependant il termine par cette sortie contre ma démonstration •:
« Nous trouvons bien étrange, qu'il nous soit permis de le
« dire en passant, qu'un homme, quel qu'il soit, aussi savant que « possible, jette publiquement un blâme à une série de siècles qui « ont vu briller tant de génies dans tous les genres, et qu'il ose dire « à tant d'hommes qui se sont occupés de la chose en question , « qu'ils n'ont pas compris ce qu'a fait Gui d'Arezzo en réalité. Du « reste , la lecture des lettres de Gui et ses œuvres , que nous venons <( de mettre sous les yeux de nos lecteurs, leur apprendra assez que « l'article de la Biographie de M. Fétis fait peu d'honneur à ce grand « musicographe. «
Cette conclusion du vénérable prêtre, à qui Dieu fasse paix, me rappelle une anecdote que voici : Mozart , visitant une abbaye d'Al- lemagne, fut conduit dans l'église parle prieur. L'un des pères joua de l'orgue. Quand il eut fini de préluder, le prieur demanda à l'illustre compositeur ce qu'il pensait du talent du moine , et ajouta immédiatement : Cest un homme excellent et d'une simplicilé migélique. — Four sa simplicité , réi^ondii Mozart, je ne la mets pas en cloute^ car sa main gauche ne se doute pas de ce que fait sa droite.
Le deuxième exemple , que je choisis dans les critiques dont mes
xxviij PRÉFACE
assertions et mes idées sur certains points de l'histoire de la musique ont été les objets, est celui-ci :
Marchetto, dit de Padoue, à cause du lieu de sa naissance, fut le musicien le plus singulier du treizième siècle. Auteur de deux traités de musique, dont un, daté de 1274, a pour titre : Lucidarium in arle musicœ planœ, c'est-à-dire, en latin du moyen âge, La lumière ( por- tée ) dans l'art du plain-chant, il présente dans celui-ci des passages d'harmonie dont voici quelques-uns :
N" 1.
Dessus. J ut, ut dièse, ré. |
1 fa, fa dièse, sol. |
sol, sol dièse, la. |
||
Basse. ( fa, mi, ré. fa, ré, ut. |
sol, mi, ré. |
|||
N" 2. |
||||
Dessus. l'é, ut dièse, ut. Basse. ' ré, mi, fa. |
sol, fa dièse, fa. |
si, la, ut. |
||
ut, ré, fa. |
sol, la, la bémol. |
|||
NO3. |
||||
Dessus, j la, si bémol, si, ut. |
ut, si, si bémol, la. ] |
ré, ut, ut bémol. [| ut bémol, ut, ré. \ |
||
Basse, j la, sol, mi, ut. |
ut, mi, |
sol, , la. |
ré, mi, |
fa. \fa, mi, ré. |
Ces successions, si insolites, si étranges, non-seulement à l'époque où Marchetto écrivait, mais inconnues longtemps après lui , m'ont fait dire, dans la notice qui concerne cet écrivain : « Le Lucidaire est « surtout remarquable par les exemples d'harmonie chromatique « qu'il présente dans les deuxième, cinquième et huitième traités « renfermés dans cet ouvrage. Les successions harmoniques qu'of- « frent ces exemples sont des hardiesses prodigieuses pour le temps c( où elles ont été imaginées. Elles semblaient devoir créer immé- a diateraent une tonalité nouvelle; mais, trop prématurées, elles ne a furent pas comprises par les musiciens, et restèrent sans signiîi- « cation jusqu'à la fin du seizième siècle. » Qu'a-t-on objecté contre ces paroles, qui sont l'expression d'une vérité de toute évi- dence pour qui a étudié d'une manière sérieuse les monuments des tonalités et de l'harmonie, non en archéologue, mais en musicien qui s'attache moins aux mots qu'à la nature des choses? Ce qu'en a objecté , le voici :
« Si M. Fétis a supérieurement caractérisé la tonalité moderne, « qui est notre élément musical, ses travaux ne sont pas aussi satis-
DE LA DEUXIÈME ÉDITION. xxix
« faisants en ce qui concerne la tonalité du chant de l'église. C'est « du moins mon opinion ; et l'on verra bientôt à quel point elle est « fondée.
« Quand on traite de la tonalité du plain-chant, on enseigne « toujours qu'elle est purement diatoniqiie; qu'elle est dépouillée a du caractère attractif du quatrième degré et de la note sensible ; « que la seule altération permise en cette tonalité ne peut affecter « que la note si , par le moyen du bémol et du bécarre; enfin, que « l'emploi du dièse y est formellement interdit, selon les uns , et « quelquefois toléré , selon les autres, soit pour éviter la relation di- « recte du triton ou de la fausse quinte , soit par euphonie dans les « cadences.
« On ignore que la tonalité du plain-chant ne repose pas toute « entière dans la tonalité grégorienne. Celle-ci n'en est qu'une par- « tie , considérable sans doute , mais qui ne constitue pas à elle « seule la liturgie musicale (1). »
J'écarte ce qui suit immédiatement , parce que mon critique a pour habitude de se jeter dans des excursions qui font perdre de vue la chose dont il s'agit, et je viens au passage sur lequel il fait reposer la discussion. Le voici :
« Ce dont personne ne se doutait , c'est que saint Grégoire et
« saint Ambroise , bien qu'inspirés tous deux par les théories grec- ce ques , n'ont cependant pas suivi la même route. Le premier a « choisi le genre diatonique , le plus sévère et le plus grave des « trois genres de musique des anciens Hellènes ; l'autre a préféré le « genre chromatique, plus doux, plus élégant, plus simple; l'un a « songé aux barbares du Nord , au peuple, aux masses; l'autre a « voulu plaire aux oreilles délicates des Romains (2). »
Arrêtons-nous un moment pour faire remarquer une méprise singulière de mon critique, M. Nisard : Ambroise, Gaulois d'ori- gine, n'eut point de rapports avec Rome, partagée à cette époque entre les restes du paganisme et l'arianisme. 11 n'était pas homme à vouloir plaire à des oreilles quelconques ; et, si quelqu'un travailla
(1) Études sur la restauration du chant grégorien au XIX'' siècle, par Théo- dore Nisard, p. 15.
(2) Ibid.
XXX PRÉFACE
pour le peuple , pour les masses, dans les objets du culte , dans le chant particulièrement, ce fut lui. Il suffit de lire les Confessions de saint Augustin pour en être convaincu. A l'égard de saint Gré- goire, pourquoi aurait-il eu en vue les barbares du Nord, qui n'oc- cupaient que l'Italie centrale et la Lombardie , et qui ne pénétrèrent pointa Rome sous son pontificat?
Mon critique poursuit sa thèse en citant ce passage extrait d'un traité de musique attribué à saint Odon , abbé de Cluny (1) , qui gouverna ce monastère célèbre depuis 927 jusqu'en 942 : « Il « y a des genres de musique dont les intervalles ne se mesurent pas « sur le monocorde de la même manière que ceux du diatonique ; « mais nous ne parlons ici que de ce dernier genre, parce qu'il « est le plus parfait , le plus naturel et le plus suave, d'après le
« témoignage des saints et des musiciens les plus instruits Il y
« a une chose certaine, c'est que l'emploi du genre diatonique , « adopté par saint Grégoire, repose sur la double autorité de la « science humaine et de la révélation divine. Les mélodies de saint c( Ambroise, homme très-versé dans l'art musical , ne s'écartent de « la méthode grégorienne que dans les endroits où la voix s'amol- « lit d'une manière lascive et dénature la rigidité des intervalles « diatoniques (2).
M. Nisard cite ensuite un passage extrait d'un petit traité de mu- sique par Réginon, abbé du Prum, qui fut contemporain d'Odon, abbé de Cluny. Dans ce passage, Réginon, comme la plupart des écrivains du moyen âge, divise la musique artificielle en diatonique, chromatique et enharmonique; il ajoute qu'on entend fréquemment des exemples du genre chromatique dans les chœurs de musique
(1) Il y a beaucoup de motifs pour ne pas reconnaître saint Odon comme l'auteur de cet ouvrage, dont il n'existait que deux manuscrits avant que l'un d'eux eût été détruit dans un incendie. Celui qui se trouve encore à la Bibliothèque de Leipsick, l'attribue à Bernon, et le passage cité par M. Nisard ne s'y trouve pas.
(2) La traduction serait plus exacte si M, Nisard disait : la mélodie de saint /am- broise ne s'écarte pas de cette règle, si ce ii'est dans les endroits où la voix la dénature par des délicatesses trop lascives. (Sancti quoque Ambrosii, prudentis- simi in liac arte, symphonia nequaquam ab hac discordât régula, nisi in quihus- dam nimium delicatarum vocum pervertit lascivia. )
DE LA DEUXIEME EDITION. xxxj
des femmes, et qu'on les trouve également dans l'hymne Ut queant Iaxis (1).
Après ces citations, et beaucoup d'écarts qui font oublier ce qui est en question , le critique revient au sujet de la discussion , et dit : « Sans doute, la tonalité du chant grégorien est diatonique : « c'est la règle ; mais en connaît-on toutes les exceptions pratiques ? « A-t-on contrôlé sur ce point fondamental les assertions obscures, {( embrouillées ou incomplètes des didacticiens du moyen âge? « Pourrait-on dire d'une manière précise les limites de l'influence « réciproque qu'ont exercée l'une sur l'autre l'œuvre de saint Gré- « goire et l'œuvre de saint Ambroise? »
On voit que jusqu'ici M. Nisard est dans l'incertitude sur la ques- tion qu'il a soulevée; mais bientôt nous allons le voir prendre un ton plus décidé, et ne plus mettre en doute l'existence d'un plain- chant chromatique. De plus, il affirmera également que l'harmo- nie chromatique a existé de tout temps , et il écrira cette curieuse note (2) :
«. Dans sa Biographie universelle des Musiciens {d^vi, Marchetto y « t. IV, p. 269) M. Fétis répète la même opinion (déjà produite au- B paravant), mais en des termes plus inadmissibles encore ; car Mar- « chetto n'a pas eu de hardiesses prodigieuses en fait d'harrfionie : « il n'a fait qu'exposer la doctrine reçue et suivie depuis long- « temps. )>
S'il en est ainsi, je ne mérite pas les éloges qui m'ont été donnés, et que le critique a répétés en commençant. Non-seulement je n'ai pas supérieurement caractérisé la tonalité moderne, qui est notre élé- ment musical, mais j'ai dit de grosses sottises sur ce sujet, puis- qu'il n'y aurait pas de différence entre la tonalité du chant grégorien et celle de la musique moderne , ou plutôt qu'il n'y aurait qu'une tonalité. Heureusement, nous ne faisons pas le roman de la musi- que : nous écrivons son histoire. Nous n'avons pas de conjectures à faire là où sont les monuments , et nous ne sommes pas des Chris- tophe Colomb allant au hasard, sur unemer inconnue, à la recherche
(1) Sicut in choro mulieruin ludentium fréquenter auditur, et in hymno Ut queant Iaxis , etc.
(2) Études sur le chant grégorien, page 153, n. 1.
xxxij PRÉFACE
d'un nouveau lîlonde musical. Il me suffira, pour mettre au néant toutes ces suppositions gratuites, toutes ces pétitions de principes, de rentrer dans le domaine de la réalité. Je regrette seulement de ne pouvoir être plus concis dans ma tâche.
Reprenons d'abord le texte de l'ouvrage attribué à Odon : Il y a des genres dont les intervalles ne se mesurent pas sur le monocorde de la même manière que ceux du diatonique. Cette traduction est-elle exacte? Je suis obligé de répondre négativement, car le texte dit simplement : il y a d'autres genres de musique, lesquels ont d'autres mesures (1). En cela l'auteur de l'opuscule ne nous apprend rien de nouveau : il répète ce qu'ont dit avant lui Ptolémée, Boëce, Auré- lien de Réomé, Rémi d'Auxerre et d'autres écrivains qui suivaient la doctrine de Boëce. Mais cela n'indique en aucune manière qu'on se servit au dixième siècle des genres chromatique et enharmonique. On ne parlait plus depuis douze siècles de ces genres que d'une ma- nière spéculative. Aristote nous apprend qu'il n'existait plus de son temps de musicien capable de chanter les nomes d'Olympe , parce que la musique était devenue purement diatonique , et que les an- ciens genres enharmonique et chromatique avaient été abandonnés. Le texte que M. Nisard invoque affirme également que le chant de saint Grégoire est diatonique , et que celui de saint Ambroise n'en diffère pas, si ce n'est dans les cas où la voix le dénature par des dé- licatesses trop lascives. Mais pourquoi mon critique a-t-il omis ce qui suit dans le même paragraphe de l'ouvrage qu'il cite? Là se trouve parfaitement expliqué ce que l'auteur entend par des délicatesses lascives de la voix; là aussi se voit la preuve qu'il s'agit, non de ce que M. Nisard appelle Vœuvre de saint Amhroise , mais de mauvaises traditions de certains chantres que l'auteur flétrit du nom de jon- gleurs. "Voici le passage supprimé par mon critique : « Or, nous sa- « vous par expérience que la plupart de ceux dont l'esprit cor- « rompu dirige leurs voix de cette manière ne chantent pas selon « la règle de vérité, mais suivent plutôt leur propre caprice, pour c( acquérir une vaine gloire. Cest d'eux qu'on a dit que l'ignorance « de la musique fait d'un chantre un jongleur. C'est pourquoi saint
(1) Sunt prEctcrea et alla musicso gênera, aliis meusuris aptata.
DE LA DEUXIÈME EDITION. xxxiij
« Isidore pose cet axiome, que Dieu n'est pas glorifié par des voix « semblables (1). »
En vérité, il est bien extraordinaire que mon critique n'ait pas vu, par cette suite du paragraphe de son auteur, que l'autorité invo- quée par lui s'élève contre son système et l'anéantit!
Reste la citation d'après Réginon de Prum. Ici j'éprouve quelque embarras, car le passage ne se trouve ni dans le texte publié par l'abbé Gerbert, ni dans le manuscrit que j'ai découvert à la biblio- thèque royale de Belg'ique; j'ignore donc ce. qui suit l'endroit où mon critique s'est arrêté. Toutefois, ce qu'il en a cité suffit pour démon- trer que les paroles de l'abbé de Prum n'ont pas la signification qu'il leur prête. De quoi s'agit-il ? de la musique artificielle. Qu'est- ce que la musique artificielle? C'est celle des instruments. Réginon lui-même nous dit en effet ce qu'il entend par ces mots : « On ap- te pelle musique artificielle, dit-il, celle qui est produite et inven- te tée par l'art et le génie humain, et qui consiste dans l'usage de « certains instruments (2). » Or, j'ai démontré dans mes Recherches sur la musique des rois de France ai' moyen âge, d'après les comptes de leur maison (3), que les instruments orientaux appelés psaltérions, canons et demi-canons , étaient joués par certains musiciens employés à leur service, et que ces mêmes instruments étaient connus en Europe. On sait que leurs nombreuses cordes étaient et sont encore accordées dans le système arabe , de dix-sept sons par octave. Quels rapports veut-onque ces choses aient avec la tonalité duplain-chant? Encore une fois il n'est question que de la musique artificielle, c'est- à-diro delà musique instrumentale. Il est vrai que dans la citation faite par mon critique il est fait mention de l'hymne Ut qucant Iaxis, après le chœur musical des femmes. J'avoue que je ne sais ce que cela signifie, car on n'en peut tirer aucun sens raisonnable. Si cet
(1) Experimento namque didicimus, qiiod plurimi dissolut! meute hujus niodi voces habentes uulluni pêne cantum secundum veritatis regulam, sed magis secun- dum propriara voluntatem pronunciant, maxime inanis gloriœ cupidi ; de qualibus dicitur : quia ignorata musica de cantore joculatorem facit; pro quo S. Isidorus po- nit, quia talibus vocibus uon famulatur Deo. {Jp. Cerb.^ tome I, page 275.)
(2) Artiflcialis musica dicitur, quac arte et iugenio liumauo excogitata est, et in- venta, quac in quibusdam consistit instrumeutis. {Jp. Gerb., tom. I; p 237. )
(3) Revue musicale, année 1832, n» 25 et suivant.
:ixxiv PREFACE
hymne n'avait pas appartenu au genre diatonique, Guido d'A- rezzo ne l'aurait pas choisi pour mettre dans la mémoire de ses élèves les notes initiales des antiennes.
On a vu que ce n'est pas dans le plain-chant seul que M. Nisard veut trouver l'emploi du genre chromatique , mais aussi dans l'har- monie. Suivant lui, et ici il est affirmatif autant qu'on peut l'être , ce que j'ai trouvé de prodigieux dans les successions harmoniques de Marchetto est la chose la plus simple : cela s'est fait de tout temps ; Marchetto n'a fait qu'exposer une doctrine établie longtemps avant lui. M. Nisard oublie de nous apprendre où il a trouvé les docu- ments qui l'autorisent à tenir ce langage. Pour moi je n'éprouve aucun embarras à démontrer son erreur, car je m'appuie sur l'évidence.
Marchetto, dit mon critique, lorsqu'il écrit ses harmonies, expose la doctrine établie longtemps avant lui. Voyons de quoi traite le sixième chapitre du deuxième traité contenu dans le Lucidaire? du diesis , qui, dit-il , est la cinquième partie d'un ton (1). Il ajoute : Si Von divise le ton en deux parties pour colorer quelque conson- nance , par exemple , la tierce , la sixte ou la dixième, tendante vers une autre consonnance , la première partie du ton ainsi divisé , si elle est ascendante, est la plus grande et s'appelle chroma, la partie qui reste se nomme diésis (2) . Quel galimatias ! Cette théorie a la pré- tention d'être empruntée aux Grecs ; mais jamais un intervalle ne s'est appelé chroma, et une tierce, une sixte, une dixième, dont l'intervalle prendrait les quatre cinquièmes d'un ton pour éta- blir sa tendance, serait complètement fausse et insupportable à l'o- reille. C'est pour la démonstration de cette absurdité que sont écrits les exemples placés sous le n° 1 .
Le deuxième chapitre du huitième traité du Lucidaire, où se trou- vent les successions que j'ai fait connaître sous le n° 3 , traite du changement de nom des notes dans la solmisation par le système des hexacordes et par la méthode des muances. Or, ce système et cette
(1) Diesis quinta pars esttoni.
(2) Diesis quinta pars est toni, puta cum aliquis tonus bipartitur propter aliquam cousonautiarn colorandam subter tertiam, sextani sive dccimam , tendendo ad ali- quam consonantiam ; quia prima pars toni sic divisi, si per ascensum fit, major est, et vocatur chroma ; pars vero quœ restât diesis dicitur. {.4p, Gerb., t. 111, p. 73.)
DE LA DEUXIÈME ÉDITION. xxxv
méthode ont pour base unique le genre diatonique , comme le prouve invinciblement la main musicale. Quels rapports donc peuvent exister entre les successions de Marchelto et l'objet du chapitre ?
Enfin ^ n'avons-nous pas, pour démontrer que les successions et les harmonies dont il s'agit n'appartiennent pas au temps où elles ont été écrites, les monuments de Fart à la fin du douzième siècle et môme de l'année 1267, que j'ai publiés dans la Revue de la musique reli- gieuse de M. Danjou, et ne savons-nous pas qu'alors les tierces ma- jeures et les sixtes de même nature étaient considérées comme des dissonances et bannies du contrepoint? De plus, n'avons-nous pas des morceaux à trois voix d'Adam de la Halle , contemporain de Marchetto, pour nous fournir la preuve que l'harmonie de ce temps n'a aucun rapport avec ce que nous voyons dans l'œuvre de celui-ci?
Que deviennent donc, en présence de ces faits, les assertions in- croyables de M. Nisard? Que devient sa négation des vérités que j'ai énoncées? Non-seulement j'étais dans le vrai, lorsque je disais que les exemples de successions harmoniques de Marchetto sont des choses prodigieuses (j'aurais pu dire absurdes) dans la tonalité de son temps, mais j'étais en droit d'ajouter que longtemps même après l'introduction dans l'art du principe de la tonalité moderne , de pareilles successions y étaient inconnues. Quatre siècles s'étaient écoulés depuis Marchetto, lorsque Stradella, et après lui Alexandre Scarlatti , ont fait entendre les premières successions chromatiques avec l'attraction tonale. L'étude quelque peu attentive des règles en- seignées dans les traités de musique des quatrième et cinquième siè- cles fait voir avec évidence qu'elles ont pour objet d'éviter des rela- tions d'intervalles bien moins hardies que celles de l'écrivain de Padoue.
Les deux exemples de critiques que je viens d'analyser et de ré- futer, par de solides preuves, font voir que si je voulais relever de la même manière tout ce qui a été produit contre mes doctrines, je devrais écrire d'immenses volumes , source de fatigue pour moi et d'ennui pour mes lecteurs. Certains archéologues , dans ces derniers temps, se sont attachés à des points de vue particuliers sur lesquels ils se contredisent souvent entre eux , bien que le but de la plupart
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soit de me combattre. La vue de l'ensemble leur échappe, ce qui est cause qu'ils ne me comprennent pas toujours. Ils sont à l'histoire de la musique ce que seraient plusieurs tailleurs qui voudraient tra- vailler à la confection du même habit, chacun de son côté : celui-ci ferait la taille, cet autre les manches, un troisième le collet. Tous se complairaient à bien faire la partie qui leur serait échue ; mais, quand viendrait le moment d'assembler le tout, rien ne s'accorde- rait. Avec du savoir, de l'érudition , on croit pouvoir résoudre mieux certains problèmes de l'histoire de la musique en bornant le cercle des études à ces questions particulières ; mais dans cet art, dont les transformations sont si fréquentes, dans cette science qui embrasse tant d'objets, si l'on n'a tout examiné; si de longues méditations sur l'ensemble et l'enchainement des faits par leurs causes n'ont pas étendu les vues du savant le plus consciencieux , on risque de ne parvenir qu'à des conclusions erronées. Il faut avoir tout approfondi pour traiter avec certitude une des milles questions difficiles qui se présentent dans cette science infinie.
Ces considérations m'ont déterminé à faire disparaître de la deuxième édition de mon livre le Résumé philosophique de l'histoire de la musique, que j'avais placé en tête de la première. Ce morceau ren- ferme une très-grandequantité d'aperçus nouveaux, dont quelques-uns ont été quaAiiiés (ï hypothèses. Le conseiller impérial de Kiesewetter en a eu tant d'émotions, qu'elles l'ont préoccupé pendant les quinze dernières années de sa vie et lui ont fait produire dans cet intervalle ses livres sur la musique de V Église grecque, sur Vhistoire de la mu- sique européenne, sur la musique mondaine , sur la musique des Ara- bes , sur Guido d'Arezzo et sur la théorie mathématique des échelles tonales, sous le titre de Nouveaux Aristoxéniens. De plus, il a rem- pli les journaux de musique allemands d'articles dirigés contre mes idées, sous divers pseudonymes. D'autres se sont aussi essayés contre ce que j'ai écrit dans ce résumé sur les origines de l'harmonie, sur celles des notations et sur beaucoup d'autres choses. Reproduire simplement mon tableau rapide de l'histoire de la musique , sans tenir compte de toutes ces oppositions, ne serait pas possible; les discuter serait changer le caractère de ce morceau, lui ôter sa desti- nation et le transformer en une lourde et illisible dissertation. Je
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me suis dit qu'il n'est plus temps de présenter sous une forme abrégée des vérités historiques et des idées que saisissent mal ceux qui n'en connaissent pas les développements. L'histoire générale de la musique, dont la publication suivra celle du présent ouvrage, exposera ces choses avec le cortège de preuves qui doit les appuyer, et fera cesser d'oiseux débats.
En terminant, je déclare que, loin de me plaindre des attaques dont mes assertions et mes théories ont été l'objet, je m'en réjouis, si elles restent dans des termes qui conviennent à d'honnêtes gens. Mieux vaut cent fois l'animation qui règne dans le domaine de la littérature musicale depuis un certain nombre d'années , au risque de quelques égarements, que l'indifférence dont j'ai été témoin dans ma jeunesse, et que j'ai eu pour but de faire cesser par mes efforts. Au milieu de quelques erreurs, que le temps dissipera , se sont produites de bonnes choses qui porteront leurs fruits. Sous ce rapport, le progrès n'est pas douteux.
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE
DES MUSICIENS
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE
DES MUSICIENS
AARON, abbé de Saint-Martin de Cologne, naquit en Ecosse dans les dernières années du dixième siècle. Il était jeune encore lorsqu'il fit un pèlerinage à Tabbaye de Saint-Martin : beau- coup d'Écossais venaient à cette époque visiter pieusement cette abbaye. Aaron y trouva le terme de ses voyages, et, peu de temps après son arrivée à Cologne, il y prit l'habit du monastère, dont il devint abbé en 1042. 11 n'était point alors extra- ordinaire qu'un seul abbé dirigeât deux abbayes: Aaron nous en fournit un exemple, car, peu de temps après qu'il eut été élevé à la dignité d'abbé de Saint-Martin, on lui confia aussi la direction de l'abbaye de Saint-Pantaléon , de l'ordre de Saint-Denoît, près de Cologne. 11 mourut à l'âge d'environ soixante ans, le 14 décembre 1052. Un traité De utlUtate Cantus vocalis et de Modo cantandi ulqxie psallendi, écrit par Aaron, se trouvait en manuscrit dans la bibliothèque de Saint-Martin, avant la suppression de cette ab- baye. Trithème (in Cliron. Hirsaug.) dit aussi que ce moine a laissé un livre intitulé : De Regu- lis tonorum et symphoniarum. {Yoy. Josephi Hartzeim Bïbliotheca coloniensis , p. 1.)
AAROIV, ou ARON (Pietro), écrivain didactique sur la musique , et professeur distingué de cet art, naquit à Florence, dans la seconde moitié du quinzième siècle, suivant les rensei- gnements que nous fournissent les titres de ses ouvrages et ses épîtres dédicatoires. Les deux orthographes du nom de cet auteur sont employées par lui-même ; car on trouve Aron au second livre qu'il publia, et Aaron aux titres des autres. Poccianti (1), Cinelli (2) et le jésuite Negri (3)
(!) Catalogus illustrium Scriptorum Florentinorum.
(2) Bibliotcca volante. Scansia 8\
(i) Istoria de' Fiorentini Scrittori, p. isa.
BIOCR. UNIV. DES MUSICIENS. T. 1.
nous apprennent peu de choses concernant la vie de ce savant musicien ; ce qu'on en sait est indiqué par lui-même. Ainsi la lettre placée en tête de l'édition de son livre intitulé Toscanello in musïca , publié en 1539 , et datée du 7 octobre de la môme année, nous informe qu'Aron avait vingt-six ans lorsqu'il publia son premier livre , en 151G; d'où il suit qu'il était né en 1489 ou 1490. On voit dans une autre épîlre de l'édition de 1523, qu'il était né pauvre, et qu'il chercha des ressources pour sa fortune dans ses travaux sur l'art. On peut induire de ses paroles qu'il s'était rendu à Rome, et qu'ayant été ordonné prêtre, il recherchait la faveur du pape Léon X; mais la mort de ce pontife trahit ses espérances. Heureusement, il trouva aiorsnn protecteur dans Sébastien Michèle, noble vénitien et chevalier de Saint-Jean de Jérusalem (4). Or Léon X mourut le 1^"" décembre 1521, et avant cette époque Aaron avait déjà publié ses trois livres DelV Isti- tuzione armonica, à Bologne, en 1516. 11 est donc au moins vraisemblable qu'il se trouvait alors dans cette ville, où Flaminio, son ami, publia dans la même année une version latine du même livre. Depuis cette époque jusqu'au mois de février 1521 , les traces de l'existence d'Aaron
(4) ... Sotto il suo pontificato ( de Léon X ), molti si sono affaticati, ciascuno seconda le lor forze, di far profttto in esta pcr çiU ampi premii che a le loro fatiche vedevano essere proposti. Tra gli quali io sono stato uno , il quale in tenue forUina nato, riccrcindo per alcuna honestâ via sostentaie la. mie tenutta neçili studii di musica , mi sono non poco affatt- cato , se non eos felicemenle corne harei (sic] io/«(o, almeno quanto l' ingeçino et la mia indiistria mi ha po- tuto ; et harei al tutto dissipato il premio a le fatiche mie per la importuna morte di Leone, se vostra figno- ria non mi si fiissi offerta iinico prcsidio a la afjlitta miafortuna, etc. •
1
AARON
disparaissent ; mais un document publié dans le n° 17 de la neuvième année de la Gazetta musi- cale di Milano (27 avril 1851) nous apprend qu'il était alors à Imola , petite ville de l'État de l'Église, et siège d'un évêclié, où il occupait la place de chantre (ou maître de chapelle et insti- tuteur des enfants de chœur) à l'église cathédrale. Ce document est un acte dressé par le notaire Vincent Gibelti , de cette ville, en date du 15 fé- \rier 1521, par lequel les chanoines, après déli- bération , accordent à Aaron, pour tout salaire annuel de son service, et sans indemnité de loge- ment, seize mesures de froment (1). Il paraît hors de doute que, peu satisfait du résultat de la délibération, ce savant maître abandonna sa place de l'église d'imola , et se rendit à Rome immédiatement après. Les munilicences de Léon X, son goût décidé pour les arts, et la faveur que ce pape accordait aux Florentins, tout faisait entrevoir à Aaron un sort plus heu- reux; mais la mort prématurée du pontife renversa de nouveau ses espérances. Cependant il ne tarda pas à se trouver dans une meilleure situation, ayant obtenu, par la protection du chevalier Sébastien Michèle, un canonicat à la cathédrale de Rimini, dont il était pourvu dès 1522, ainsi que le prouvent le titre et i'é- pllre dédicatoire du Toscanello, publié dans celte même année.
Il jouissait encore de ce bénéfice lorsque paru- rent les éditions de ce livre publiées en 1525 ot 1529; mais il paraît qu'il ne l'obligeait pas à résidence; car il était en môme temps maître de chapelle de la maison de son protecteur, le che- valier Sébastien Michèle, prieur de Saint-Marc de Venise, et vivait dans cette ville, ainsi qu'on le voit par le titre de son livre intitulé : Tratlale délia natura et délia cognizione di tutti gli tuoni
(0 Et prtrdicti syndicus wansionarioriim , et man- sionarii prœdicti, obtcnto partito per fabas quatuor albas ex quinqiie de dando dicto D. l'ctro Arnn corbes Xflfrumenti de prsedicta mensvra, se obllgaverunt dare et consignare in recollectu proximc future dicto V. Petro y4ron dictas corbes Xf^I frumenti, pro eo quod promisit in choro divinis interesse et cantu se occupare dicbus solemnibus ctfcstivis perannum incipicndum in halcndis vmrtii proxime futuris ,et xtt scquitur , hac tamcncovdi- tione, quod non facta interpellatione per mensem unte flnitum annum per alterum partem de conducta non perseveranda : intelligatnr perseverare eo modo et forma quo anno tune pneterito , et sic per transitum rt^ensem fcrdurare peralium annum rum eodem salaria.
Suivant les tables de variations de la valeur de l'arscnt et du prix des denrées , données par Dupré de Saint-Maur dans son Essai srir les Monnaies, et en supposant que la mesnrt romaine de blé fût à peu prés l'équivalent du Relier de France, coté en 152i à -s livres tournois 3 sous et 4 deniers , qui répondent à li> franc." de notre inoniraie, les seize mesures de froment aeconiés à Aiiron représin- trraient aujourd'hui un traitement annuel ds 210 fraûcs !
nel canfo figurato, qui fut publié en 1525. La mort du prélat et la modicité du revenu de son canonicatmirent plus tard Aaron dans une situa- lion peu prospère; car il se décida, en 1535, à se faire moine de l'ordre des Hiéronymites < (appelé en Italie VOrdine de" crociferi ou Crosachieri), dans le couvent de Saint-Léonard , à Rergame. 11 en prit l'habit le 12 mars 1536, et l'on voit dans une lettre qu'il écrivit le lende- main à son ami Giovanni del Lfigo, maître de chapelle vénitien, que sa profession se fit avec beaucoup de solennité, qu'on lui rendit des honneurs inaccoutimiés, et que les musiciens et chanteurs qui assistaient à la cérémonie lui té- moignèrent de l'alfection. Pour l'honorer, dit- il, et à cause de l'amitié qu'ils avaient pour lui, le maître de chapelle, Messer Gasparo et ses vingt- deux chantres exécutèrent des psaumes spez- zati et un Magnificat à deux chœurs, et toutes les antiennes en contre point , aussi bien qu'on aurait pu le faire à Venise; puis le Veni Creator fut chanté dès qu'il eut revêtu l'habit. Il ajoute : « Après les cérémonies , je fus accompagné dans « le couvent par monseigneur patron (le supé- « rieur), avec les chantres et une partie du « peuple. Une somptueuse collation de pâtisseries « et de confitures était pré{)arée ; et , sans que « j'en eusse été prévenu , on chanta à ma louange « un madrigal à six voix (1). » Trois ans après, il écrivait au même : « Je suis mieux que je « n'ai jamais été; bien vu et caressé; j'ai bonne « vie et repos; je suis libre, et j'ai quelques écus « dans ma bourse (2). » Dans une autre lettre il dit encore : « Vous savez quelle était ma situa- « lion à Venise ; s'il m'était survenu une maladie,, « j'aurais été sans asile (3). » Il passa plus tard du couvent de Bergame à celui de Padoue, puis-
(1) Per lo amore quale a me portano questi signori musici et cantori, Tnesser Gasparo, maestro di cappella, qua con ventidue cantori (fu) ad honorarmi, et qua fil cantato im vespero a dui chori da loro a psulmi spezzati , molto egregiamente, con un Magnificat a dui chori, et tutte le antifone in contrapunto ; cosa che non haria creduto, tanto bene che sarebbe bastuto in f'infgia : da poi uno Venl Creator Spiritus, quando fui vestito, etc.
Finito le cérémonie, fui accompagnato dal
reverendo Monsignore mio patrone in casa con tutti li canton et parte del popolo, dove era apparecclnuto vna belUssima colntione abundante di marzapani et confetti : da poi fu cantato un mandriali (sic) a sei noci , del quale non sapevoniente, in laude mia. (Voy. Lucidarlo in mu- sica , etc.)
(2) lo sto meglio eh' io stetti mai; ben visto, ben acha- rezzato, buon vivere con riposo, libéra et qualcke scttdo in borsa. ( Ibid.)
{5) foi sapete bene qnello che in f-^enetia al présente havcvo se mi fusse vcnu{a una malattia , saria umlato rumimjo. (Ibid.)
AARON — ABADIA
à celui de Venise. On ignore l'époque de la mort d'Aaron ; mais on sait qu'il vivait encore en 1545, car il publia dans cette année son Lucïdarïo in Musica. C'est donc entre celte date et 1562 qu'il cessa de vivre ; car la dernière édition de son Toscanello in Musica , publiée précisément dans cette année 1562, porte au frontispice ces mots : Con V aggiuntafatta dall' aulore stesso innanzi che morisse (avec l'addition faite par l'auteur lui-même avant qu'il mourût). Les soins qu'il avait pris pour les progrès de la musique, et la réputation dont jouissaient ses ouvrages, lui pro- curèrent riionneur, unique parmi ses contempo- rains , de voir son portrait placé dans la galerie ducale de Florence, près de- ceux des musiciens les plus célèbres des temps antérieurs. Ou a de lui les livres dont voici les titres : l° / tre libri deir Istituzionc armonica, stampati in Bolo- gna nel 1516 da Benedetlo di Ettore , in-4°. Ce volume est composé de 62 feuillets cliiffrés d'un seul côté. Jean-Antoine Flaminio, ami de l'auteur, traduisit ce livre en latin, et publia sa version sous ce titre : Libri très de Institu- tione harmonica, editi a Petro Aaron , Flo- rentine; interprète Giov. Ànt. Flaminio Fora- corneliensi. Bononiœ , 1516, petit in-4°. Cet ouvrage (it naître une vive contestation entre l'auteur et Gafori, qui y trouvait des fautes graves en grand nombre. L'objet de la dispute était la division des tétracordes dans les genres diatonique, chromatique et enharmonique; dis- putes vaines <iu'on agitait volontiers dans ces temps anciens, et qu'on assaisonnait d'injures réciproques. La cause d'Aaron fut soutenue contre Gafori par Jean Spataro et Nicolas Vulso (voyez ces noms), et des pamphlets, devenus très-rares, furent échangés à cette occasion. Longtemps après, Aaron est revenu sur ce sujet dans le second livre de son Lucidario (page 10); il y fait une critique vigoureuse des arguments de son adversaire. 1" Toscanello in Musica di messer Pielro Aron Fiorentino canonico in Fàmini. In Vineggia, 1523, petit in-fol. C'est le meilleur des ouvrages d'Aaron. Les règles du contre point y .sont mieux exposées que dans les autres livres publiés avant ceux de Zarlino. Il y en a d'autres éditions publiées en 1525, 1529, 1539 et 1662, toutes imprimées à Venise, petit in-fol. Dans l'édition de 1539, imprimée par Marchio Sessa, on trouve, après le second livre, une addition (aggiunta) tort importante con- cernant l'usage du bécarre et du dièse dans la tonalité du plain-chant. L'édition de 1562, im- primée à Venise par Dominique Mcolini , petit in-fol., est la dernière de ce livre- Elle a pour litre ; Toscanello, opéra dcW eccelleniissimo
musica Pietro Aron fiorentino , nellaquale, dopo le laudi, la origine, la definitione , et la divisione délia musica, con esaltissimo et agevolissimo trattato s' insegna tutto quello, che alla pratica del cantare et del comporre canti , et a divenirepcrfetlo musico è necessario. Con V aggiunta fatta dalV aulore stesso, innanzi che morisse. 3° Trattato délia natura et cognitione di tutti gli tuoni di canto figurato non da altrui più scritti, composli per messer Pietro Aaron, musico fio- rentino, canonico in Rimini, maestro di casa del rêver, et magnifico cavalière hierosoli- mitano messer Sebastiano Michèle priore di Venetia. Impresso in Vinegia, per maestro Bernardino Vitali, 1525, petit in-fol. La Borde cite une deuxième édition de ce livre, qui aurait été publiée en 1527, in-fol. : Je la crois sup- posée. 4° Lucidario in Musica di alcune opi- nioni antiche et moderne; Venise, 1545 , in-4°. Ce livre contient des éclaircissements sur quel- ques difficultés relatives à la théorie de la mu- sique, particulièrement en ce qui concerne les proportions. 5" Compendïolo di molli dubbi, segreti et sentenze , intorno al canto ferma et figurato , da molli eccellenti consumât i musici dichiarato; raccolte dall' eccellente et scienzato autore fratre Pietra Aaron, deW or- dine de' Crosachieri, et delta inclita ciltà di Firenze. In Milano , per Giov. Antonio da Castigligne, in-8° (sans date) (1). Les ouvrages d'Aaron ont encore aujourd'hui une assez grande valeur historique; la doctrine qui y est exposée est puisée en grande partie dans les œuvres de ïinctoris.
ABACO (Évariste-Felice del), né à Vérone en 1602, fut directeur des concerts de l'électeur Max. limmanuel de Bavière, et mourut dans la soixante-quatrième année de son âge, le 2G février 1726. Il a publié cinq œuvres de musique qui ont tous été gravés à Amsterdam , savoir : 1" douze sonates pour violon et basse, in-4" oblong; 2" dix concerts à quatre pour l'église; 3" douze sonates pour deux violons , violoncelle et basse; 4° une sonate pour violon et basse; 5° six concerts pour quatre violons, alto, bas- son , violoncelle et basse. Son œuvre quatrième a été arrangé pour la musette.
ABADIA (Natale), compositeur de musique ecclésiastique et théâtrale, né à Gênes le 11
(1) J'ai fait une erreur considérable, en disant , dan.s la première éJilion de la Bioyraphie unlverstlle des Musi- ciens, que c'e^t le Compendiolo qui a été traduit eu latin par Flaminio .- je ne connaissais pas alors le premier ouvrage d'Aaron, que n'indiquent ni Martini, n-i l-orkel, ni LichtcntUal. J'ai copié l'erreur do ceux-ci
1.
ABADIA — ABÉLARD
mars 1792, a fait ses premières études nmsicales sous la direction de P. Raiinondi : il les termina dans l'école de L. Cerro, son compatriote. On connaît de lui une messe à trois voix , une autre à quatre, avec orciieslre, des vêpres complètes et quelïjiies motels. Pour le théâtre, il a écrit un opéra bouffe intitulé : V ImbrogUone ed il Castirjamatti, et en 18 12 il a donné au théâtre di S. Agostino, à Gênes, le drame qui a pour tilre la Giannina di Poniieu, ossia la Villa- nelln d' onore.
ABAILARD ou ABÉLARD (Pierhe) , célèbre par ses talents , ses amours et ies mal- heurs , naquit en 1079 au Palet, petit bourg à peu de distance de Nantes. Doué d'un esprit vif, d'une imagination ardente, d'une mémoire prodigieuse et d'un goût passionné pour l'étude, il posséda toutes les connaissances de ces temps barbares , et créa cette philosophie scolastiqua qui semblait alors renfermer toutes les sciences, et qui fut si longtemps un obstacle aux progrès de l'esprit humain. A la rhétorique, à la gram- maire et à la dialectique, il avait ajouté l'étude de ce qu'on appelait de son temps le qiiadri- viiim, c'est-à-dire l'arithmétique, la géométrie, l'astronomie et la musique. 11 possédait particu- lièrement la théorie et la pratique de cette dernière science. Dès l'âge de vingt-deux ans, sa répu- tation comme savant et comme homme éloquent effaçait celle des plus habiles professeurs , et son école était devenue célèbre. Au milieu de ses succès, il vit Héloï«e , nièce de Fulbert, cha- noine de Paris, l'aima, la séduisit et l'enleva. H la conduisit en Bretagne, où elle accoucha d'un lils qui ne vécut point. Abailard proposa alors à Fulbert d'épouser sa nièce en secret; celui-ci y consentit, ne pouvant faire mieux, mais il di- vulgua cette union : Héloïse, sacrifiant sa répu- tation aux volontés de son époux, la nia avec serment. Fulbert irrité la maltraita, et Ahnilard, pour la soustraire à ses mauvais traitements, l'enleva une seconde fois, et la mit au couvent d'Argenteuil. Le désir de se venger conduisit alors Fulbert à une action atroce : des gens apostés entrèrent la nuit dans la chambre d'A- bailard et lui firent subir une mutilation infâme. Cet attentat fut bientôt connu , et son auteur décrété, exilé, dépouillé de ses biens; mais le bonheur d'Abailard était détruit pour toujours. 11 alla cacher sa honte à l'abbaye de Saint-Denis, qu'il ne quitta que lorsqu'il fut nommé abbé de Saint-Gildas au diocèse <le Vannes. 11 finit par être simple moine à l'abbaye de Cluny, et mourut au prieuré de St-Marccl, près de Châlon-sur- SaAne, le 21 avril 1142, âgé de soixante-trois ans. Nous avons dit que la musique était un des
talents d'Abailard. Il avait fait les paroles et le chant de plusieurs chansons dont le sujet était ses amours : il les chantait avec goût. Bientôt répétées en tous lieux, elles eurent une vogue extraordinaire. Héloïse elle-même nous apprend quel tut leur succès, par ce passage d'une de ses lettres : •> Quand, pour vous délasser des travaux « de la philosophie, vous composiez en rimes des « chansons amoureuses , tout le monde voulait '< les chanter à cause de la douceur de leur mé- « lodie. Par elles mon nom se trouvait dans toutes '< les bouches, les places publiques retenti.ssaient « du nom d'Héloïse. » {Lettres d'Héloïse et d'A- bailard, Uaihiclion nouvelle par le bibliophile Jacob, page 131, dans la Bibliothèque d'é- lite. ) Ces chansons amoureuses n'ont point été retrouvées jusqu'à ce jour : elles ont donné lieu à beaucoup de conjectures contradictoires. L'abbé Dubos a cru qu'elles étaient en langue vulgaire {Histoire de la poésie française, page 114); Lévèque de la Ravallière a repoussé cette opinion {de V Ancienneté des Chansons françaises, dans les Poésies du roij de Navarre, tome I, pages 206 et suivantes), se fondant sur ce qu'il n'a trouvé aucun vestige de ces poésies; ce qui est peu concluant, car ce qui n'a point été trouvé dans un temps peut être découvert dans un autre. Lévêque de la Ravalière paraît d'ailleurs être dans le vrai lorsqu'il soutient que les chansons d'Abailard étaient en langue latine. M. Leroux de Lincy , qui partage cette opinion, l'appuie par cette considération qu'Abailard montre en ses écrits trop de dédain pour les langues vulgaires, pour supposer qu'il eût re- noncé dans ses poésies amoureuses à la langue de Virgile et d'Ovide , et se fût servi du français encore au berceau. {Recueil de Chants histori- ques français , Introduction, page vi. ) Une découverte récente semble d'ailleurs donner gain de cause à cette opinion; car M. Charles Greilli , pasteur à Mœrscliwyl, près de Saint- Gall, a trouvé à Rome, dans le manuscrit LXXXV de la Bibliothèque du Vatican, volume in-s° sur vélin, du XIIP siècle, qui provient du fon<is de la reine Christine de Suède, six complaintes d'Abailard en langue latine, avec le chant en notation neumalique, qu'il a publiées dans un recueil de pièces intéressantes intitulé Spicile- fjium Vaticanum (Frauenfeld, 1838, in 8° , pages 121-131). M. Greith pense que ces com- plaintes {planclus) sont des allégories sur les amours infortunées d'Héloïse et d'Abailard. Quoi qu'il en soit, ces chants, qui ont pour titres: r Planctus Dinx filise Jacob; T Planclus Jacob super fiUos suos; 3" Planctus virgi- num Israelis super JiUom Jeplilsp, Galaditx;
ABI^XARD — ABBb:
4° Planctus Israël super Samson; 5° Planctus David super Abner ;&" Planctus David super Satil et Jonathan; ces cliants , disons-nous, dont l'étendue est longue , ne paraissent pas être les chansons d'Abailaid qui furent populaires, car leur ton est sombre, ainsi que l'indique leurs tities, et rien n'y rappelle la gracieuse et sédui- sante Héloïse. On a mis en doute qu'Abailard ait composé la musique de ses chansons; Rawlinson ot de Lanlnaye , éditeurs de ses œuvres, pensent (lu'il les a composées sur des mélodies connues (le son temps; mais le passage de la lettre d'IIé- loise rappoi té précédemment suffit pour démon- trer que son amant était à la fois l'auteur de la poésie et du chant (... q^ia pro nimia suavitate tam dictaminis , quam cantus , tuum in ore omnium nomen tencbant, etc.). D'ailleurs la découverte faite par M. Greith des six com- plainlcs d'Abailard , avec leurs mélodies, prouve que cet homme extraordinaire a cultivé la mu- sique aussi bien que les autres sciences et arts.
ABBATEZZA (Jean-P.ai'tiste,) né à Diton- <o, dans la Fouille, veçs le milieu du dix-septième siècle, a publié une tablature pour la guitare, sous ce titre : Ghirlanda di variifiori ,ovvero intavolatura di ghitarra spagnuola, dovc che da se stcsso ciascxino potra imparare con grandissima facilita e brevilà. In JfJilano, nppresso Lodovico Monzà, 16 pages in-S" obi. (sans date, mais vers 1C90). On ne connaît nucuiie particularité de la vie de ce musicien.
ABBATINI (Antoine Marie), compositeur de musique d'église, naquit en 1595, à Tiferno selon quelques auteurs, et à Castello suivant l'abbé Baini {Memorie storico-critichc delta vita e délie opère di Giov. Pierluigi da Pa- lestrina , t. II, n. 477). Au mois de juillet de l'année 1G26 , il fut nommé maître de chapelle de Saint-Jean de Latran ; il occupa cette place jus- qu'au mois de mai 1C28, époque où il passa à l'église du Nom- de- Jésus. En 1645, la place de maître de chapelle de Sainte-Marie-Majeurc étant devenue vacante, ou la lui confia; mais il l'a- bandonna le 5 janvier 1C40. Peu de temps après, d fut élu maître de Saint-Laurent-in-Damaso; ie 28 septembre 1649 il retourna à Sainte-Marie- Majeure, et y resta jusqu'au mois de janvier 1657. 11 passa alors au service de iNotre-Dame de Lu- rette, et y resta plusieurs années. De retour à Home, au mois de mars 1G72, il rentra pour la troisième fois à Sainte-Marie-Majeure, et en di- rigea la chapelle jusqu'en 1677. Alors il demanda sa retraite définitive pour aller mourir en paix à Castello. Il cessa de vivre , en effet , dans la même année , à l'âge de quatre-vingt-deux ans.
Les œuvres imprimées de ce compositeur con
sislent en quatre livres de Psaumes à quatre , huit, douze et seize voix (Rome, Mascardi, 1630 à 1635); cinq livres de Motets à deux, trois, quatre et cinq voix (Rome, Grignani, 1636 à 1638); trois livres de Messes à quatre, huit, douze et seize voix (Rome, Mascardi, 1638 à 1650). Après la mort d'Abbatini, son élève Do- minique del Pane a fait imprimer ses Antiennes à vingt-quatre voix, c'est-à-dire douze ténors et douze basses (Rome, chez le successeur de Mas- cardi, 1677). La plus grande partie des œuvres d'Abbatini est restée inédite dans les archives de Saint-Jean de Latran, de Sainle-Marie-Majeure, de Saint-Laurent-in-Damaso et du Nom-dc-Jésus. Ces œuvres se composent, savoir : di' Antiennes à vingt-quatre voix : douze soprani et douze con- tralli ; de Messes, Psaumes, Motets, et de répons à quatre, huit, douze, seize, ^vingt-quatre et quarante-huit voix. Le P. Martini, dans sa con- troverse manuscrite avec Thomas Redi de Sienne, sur la résolution d'un canon d'Animuccia , cite des discours académiques sur la musique, com- posés par Abbalini , lesquels lurent prononcés dans les années 1665 , 66, 67 et 68 : ces discours sont restés en manuscrit. Abbatini fut aussi au- tour d'une partie du grand ouvrage de Kircher intilulé Musurgia , ou du moins eut beaucoup de part aux recherches qu'exigea ce travail. Alacci (Draniaturgia) nomme aussi ce compo- siteur comme auteur d'un opéra intitulé : Del Maie in Bene, lequel aurait été représente vers 1654.
ABBÉ (Joseph-Barnabe Saint-Sévin, dit), violoniste, naquit le 11 juin 1727, à Agen, ou sou père, Philippe-Pierre de Saint-Sévin, et son oncle Pierre, étaient maîtres de musique des pa- roisses de la ville. Pour remplir leurs fonctions, ces altistes étaient obligés, suivant l'usage de leur temps, de porter le petit collet : de là leur est venu le nom d'Abbé ou de VAbbé, qu'ils ont ensuite conservé après qu'ils eurent quitté l'Église pour entrer tous deux à l'Opéra en qua- lité de violoncellistes , dans l'anni^e 1727. Le jeune Abbé vint rejoindre son père à Paris, le 11 no- vembre 1731, à l'âge de quatre ans. 11 ne tarda point à commencer l'étude de la musique, et ses [)rogrès furent si rapides, qu'en 1739 il obtint au concours une place de violoniste à l'orcheslro de la Comédie française, quoiqu'il ne fût âgé que de douze ans. L'année suivante, le célèbre vio- loniste Leclair le prit sous sa direction : après deux années d'études sous cet habile maître , il fut reçu à l'Opéra le l*^'" mai 1742. Déjà il s'é- tait fait entendre avec succès au concert spiri- tuel. Il y joua des solos jusqu'en 1750. Après vingt ans de service , il se retira de l'Opéra ; mai§.
ABBÉ — ABEL
il n'obtint point de pension, quoiqu'il y eût droit d'après les règlement;:, parce que l'administration le considéra comme trop jeune pour jouir de cet avantage. 11 a publié de sa composition huit œuvres de Sonates et de Trios pour le violon. Vers 1762, il se retira dans une jolie habitation qu'il possédait à Maisons, près de Cliarenton : il y mourut en 1787. Cette maison a appartenu plus tard à Martin, chanteur de l'Opéra-Comique. AKBEY (John), facteur d'orgues distingué, est né à Wil ton, dans le comté de Nortliampton, le 22 décembre 1785. Dès sa jeunesse il fut placé dans la manufacture d'orgues de Davis, alors renommée; puis il entra chez Russec, autre facteur de mérite qui mourut à l'ûge de quatre- vingt-quatorze ans. En 1826, M. Alibey tut ap- pelé à Paris pour l'exécution de l'orgue dont Sébastien Érard avait conçu le plan, et qui fut mis à l'exposition des produits de l'industrie nationale en 1827. Ce fut lui aussi qui exécuta l'orgue à clavier expressif qu'Érard lit pour la chapelle des Tuileries, et qui fut détruit à la révolution de 1830. Ayant établi lui-même une manufacture d'orgues à Paris, M. Abbey, outre quelques orgues pour des amateurs et artistes , a construit des orgues de chœur, pour l'accompa- gnement du chant, à Saint-fc^tienne-du-Mont, à Saint-Eustache , à Saint-Nicolas-des-Champs, à Sainte-Elisabeth, à Saint-Thomas-d'Aquin, à Saint-Médard, églises de Paris, à la cathédrale et à l'église Saint-Jacques de Reims , à la cathé- drale de Nantes, à celle d'Évreux, à la cathédrale et à l'église-Notre-Dame de Versailles, enlin à l'église de Limay, près de Mantes. C'est le même facteur qui a fait des orgues de tribunes , grandes et petites, à Neuilly, à Saint-Louis d'Antin, au collège de Henri IV, à l'église de Reuil, à La Chapelle Saint-Denis, à la chapelle d'Olivet d'Orléans et à Saint-Marceau, de la même ville, au collège de Caen, au couvent de la congrégation de la Mère-Dieu, à Paris, à celui des Sœurs de la Charité, rue du Bac, au couvent de la Légion d'honneur, à la chapelle de la rue Barbette, à celle du couvent de Châlons, à la chapelle de l'hospice de Versailles, et plusieurs pour le Chili et les îles de la mer du Sud. Enfin M. Abbey a construit les grandes orgues des ca- thédrales de la Rochelle, de Rennes, de Viviers, de Tulle, de CliAlons-sur-Marne, d'Amiens et de Bayeux. Il a fait aussi des réparations à beau- couj) d'orgues de Paris et de la province. C'est à ce même artiste qu'on doit l'introduction du mécanisme anglais et de la soufllerie de Cum- mins dans la facture des orgues françaises. Ses ouvrages sont bien terminés, et l'harmonie de ses Jeux est en général satisfaisante.
ABDALLAII-IBIV-KHALEDOUIV. Voy. IBN-KHALEDOUN (Abdallah).
ABDULCADIR (een-gaibf), écrivain per- san sur la musique dont l'ouvrage manuscrit existe dans la bibliothèque de l'université de Leyde. Il est cité dans le catalogue de cette bi- bliothèque (Çafal. libr. tam impressor. quam mamiscript. Bibl. puhl. Universit. Lugduno- Batavœ, p. 453, n. 1061), sous ce titre:
Traité des objets de modulations, en /ait de chants et de mesures.
ABEILLE (Lonis), pianiste, compositeur et directeur des concerts du duc de Wurtem- berg , naquit vers 1765, à Rayreuth , où son père était au service du margrave. Il n'a dû son double talent de compositeur et de virtuose qu'à son travail assidu et aux chefs-d'œjivre des grands maîtres qu'il avait pris pour modèles; car il avait peu de génie , et dès son enfance il avait été livré à lui-même. Ses opéras et sa mu- sique instrumentale ont eu du succès en Alle- magne; ils sont agréables, quoiqu'ils manquent d'originalité. Il a publié les compositions sui- vantes : POUR LE CHANT , 1" Pocsies mêlécs de Hubncr (Stuttgard, 1788, in-8°); T deuxième partie de cet ouvrage (Stuttgard , 1793, in-8"); 3" Idylles de Florian (Heilbronn, 1793); 4» Chant ou cantate pour le mercredi des Cendres, avec accompagnement de piano; œuvre onzième (Augsbourg, 1798); 5" l'Amour et Psyché, opévà en quatre actes, arrangé pour le piano (Augs- bourg, 1801 ); 6° les plus jolies chansons qui ont paru à Stuttgard depuis 1790, mises en pot-pourri. POUR LE l'iANo. 7" Quatre sonates poin- le clavecin ( Heilbronn , 1789 ) ; 8° une sonate et neuf varia- tions dans le goût de Mozart pour le clavecin ( Heilbronn, 1790); 9° fantaisie pour le forté-piano (ibid.); 10" concerto pour le clavecin, en si bémol, op. 5 (Offenbach. 1793); 11" grand concerto en ré à quatre mains, op. 0 (Oifen- bacli, 1793); 12° grand trio pour le clavecin avec violon et violoncelle, op. 20 (Offenbach, 1798); IS" Chants et élégies avec clavecin (1809); 14° Pierre et Annette, opérette en 1810; 15° po- lonaises pour piano-forté, n° 1 (Leipsick); 16° valse en forme de rondeau, pour piano, ï\°^ i et 2 (Leipsick). On trouve à la Bibliothèque im- périale, à Paris, un 3/isere;e à grand chœur, en partition manuscrite (n° Vra 320), composé pai* Abeille.
ABEL (Clamor-Henri), musicien de chai)(ibro à la cour de Hanovre, naquit en Westphalie, vers
ABEL — ABELA
le milieu du 17*' siècle. On ne sait point le nom «lu maître qui dirigea ses études, ni les circons- tances de sa vie. Ses ouvrages ont été publiés sous le titre : Ersllinge miisïkalischer Blumen, Allcmanden , Coiiranten , Sarabanden, etc. ( Prémices de (leurs musicales, allemandes, cou- rantes, sarabandes, etc.), partie pour violon et basse, partie pour viola da cjamba , violon et basse. Le premier volume parut à Francfort-sur- le-Mein en 1C74, le second en 1676, et le troisième en 1677, in fol.; on y trouve son portrait. On a réuni ces trois parties dans une édition qui parut à Brunswick en 1687, sous ce titre : Dreij opéra mics'ica, auf einmal tvieder aufgelegt, Sie en- thielten Allemanden, etc. La musique d'Abel ne se distingue par aucune qualité remarquable.
ABEL (Léopold-Alcuste), fils d'un musicien de la chapelle du prince d'Anbalt-Cœthen , na- (juit à Cœtlien en 1720. Elève de Ijenfla, il devint liabile violoniste, pour son temps, et fut d'abord employé dans l'orchestre du théâtre dirigé par Nicolini à Brunswick. En 1758 il obtint la place de maître de concerts du prince de Schwarlz- bourg-Sondershausen ; huit ans après il passa au service du margrave de Schwedt, et plus tard il fut attaché à la cour du duc de Schwerin. On ignore l'éponue de sa mort. Le catalogue de Bôhme, de Hambourg, indique Sî:c Concertos pour le violon composés par cet artiste. Abel était habile peintre en miniature.
ABEL (Charles-Frédéric), frère puîné du précédent , musicien célèbre et le plus habile joueur de basse de viole de son temps, né à Cœthen vers 1724, fut admis à l'école de Saint- Thomas de Leipsick, et y apprit la musique sous l,\ direction de Jean-Sébastien Bach. Ses études terminées, il entra dans la chapelle du roi de l'ologneà Dresde, et y demeura pendant dix ans. La modicité de ses appointements et quelques discussions désagréables avec le célèbre compo- siteur Hasse, qui dirigeait alors la chapelle royale , décidèrent Abel à donner sa démission en 1759. Après avoir parcouru l'Allemagne dans un état voisin de l'Indigence pendant près d'une année, il se rendit en Angleterre, où il put tirer parti de ses talents. Le duc d'York devint son protecteur et le fit entrer dans la musique de la reine, avec deux cents livres sterling de traite- ment. Peu de temps après il devint directeur de la chapelle de cette princesse. Son séjour à Lon- dres dura sans interruption jusqu'en 1783; mais, â cette époque, le désir de revoir son frère, Léopold-Augnste, directeur des concerts du duc de Schwerin, le ramena en Allemagne. Il se fit entendre à Berlin et à Ludvvigslust, et, quoiqu'il eût alors sorxante-quatre ans, il excita l'admi-
ration générale par l'expression et la netteté de son jeu. Frédéric-Guillaume, alors prince royal de Prusse , lui lit présent d'une tabatière fort riche et de cent pièces d'or pour lui témoigner sa satisfaction. De retour en Angleterre, il entre- prit d'y donner des concerts publics; mais cette spéculation n'ayant pas réussi, le dérangement de ses affaires l'obligea à passer quelque temps à Paris ; il ne tarda point à retourner à Londres, où il mourut, le 22 juin 1787, à la suite d'une sorte de lélliargie qui dura trois jours. Quoique d'un caractère irascible et brutal, il était bien reçu dans la société. Son défaut principal était la passion du vin, qui probablement abrégea se« jours.
Les Anglais font maintenant peu de cas des compositions d'Abel; cependant elles se distin- guent par un chant pur et une harmonie assez correcte. Elles consistent en dix-sept œuvres, publiés à Londres, à Paris, à Berlin, etc., sa- voir : 1" six ouvertures à huit parties, op. 1; 2° six sonates pour clavecin, avec accomp.de violon, op. 2; 3° six trios pour deux violons ou fiûte, violon et basse, op. 3; 4° six ouvertures à huit parties, op. 4 ; 5° six sonates pour clavecin, avec ace, op. 5; 6° six solos pour flûte et basse, op. 6; 7° six ouvertures à huit parties, op. 7; S** six quartetti, pour deux v., alto et b., op. 8; 9° six trios pour violon , violonc. et b., op. 9; 10" six ouvertures à huit parties, op. 10; 11" six concertos pour clavecin, avec ace. de deux violons et basse, op. 11 ; 12" six quartetti pour deux violons, alto et basse, op. 12; 13" six so- nates pour clav. avec ace. de v. op. 13; 14° six ouvertures à huit parties, op. 14; 15' six quart, pour deux v., alto et b., op. 13 : on a aussi gravé comme œuvre quinzième des sonates pour le clavecin; 16° six trios pour deux t. et b.,op. 16-; 17"* six ouvertures à quatre parties, op. 17. Presque tous ces ouvrages ont été ar- rangés pour divers instruments. Abel a écrit quel- ques morceaux pour l'opéra anglais Love in a village, représenté à Londres en 1760, et pour Bérénice, 1764. Jean-Baptiste Cramer a été le meilleur élève d'Abel.
ABELA (Charles-Gottlob), né le 29 avril 1803, à Borna près d'Oschatz, en Saxe, fit ses éludes musicales à Dresde sous le cantor et professeur A. G. Fischer. Appelé à Halle, en 1825, en qualité de professeur à l'école primaire, il fut nommé peu de temps après cantor de l'Église Sainte-Marie. En 1827, il réunit à cette position celle de professeur de musique îi l'école supé- rieure. Abela mourut à la fleur de l'âge, le 22 avril 1841. Ses principales productions sont : f.un recueil de Lieder à 2, 3 et 4 voix, à l'usage des
ABELA — ABEINHEIM
écoles, publié à Leipsick, cliez Harlknoch, et dont la quatrième édition stéréotype a paru en 1848; 2° 160 Lieder suivis de canons à plu- sieurs voix, Leipsick, Breitkopf etHaertel; 3° 120 quatuors pour 4 voix d'hommes, «ôid; 4° Der Sdngerbund (L'Union des Clianteurs), Lieder pour 4 voix d'hommes, Halle, Knapp.
ABELL (Jean), musicien anglais, possédait une fort belle voix de ténor, et fut attaché à la chapelle de Charles II, roi d'Angleterre. Ce prince admirait son talent dans le chant, et avait conçu le projet de l'envoyer, avec le sous-doyen de sa chapelle, Gostling, au carnaval de Venipe, pour montrer aux Italiens qu'il y avait de belles voix en Angleterre; mais ce voyage n'eut point Heu. Lors de la révolution de 1688, Abell fut exilé d'Angleterre comme papiste. Il se mit à voyager et à donner des concerts. Matliieson assure (i7i Wollkomm. Capellmeïsler) qu'il chanta avec beaucoup de succès en Hollande et à Hambourg. Il ajoute qu'Abell possédait un se- cret par lequel il conserva la beauté de sa voix jusque dans l'âge le plus avancé. Abell était aussi luthiste fort distingué. Partout il recevait de ma- gnifiques présents; mais il dissipait aussitôt ce <ju'il gagnait. 11 se vit à la fin réduit à voyager à pied, avec son luth sur le dos. Arrivé à Var- sovie, il fut mandé par le roi de Pologne, qui voulait l'entendre. Abell s'excusa sous le prétexte d'un rhume. Sur cette réponse, l'ordre précis de se sendre à la cour lui fut envoyé. Dès qu'il y fut arrivé, on l'introduisit dans une grande salle, autour de laquelle régnait une galerie où le roi se trouvait avec toute sa suite. Abell fut assis dans un fauteuil qu'on hissa au moyen d'une poulie; puis on fit entrer des ours dans la salle, et l'on donna le choix au musicien d'être dévoré par eux ou de chanter ; il prit ce dernier parti , et l'on assure que le trait de despotisme stupide dont il était victime dissipa sur-le-champ la rhume qu'il avait allégué. Après plusieurs années, il obtint la permission de rentrer en Angleterre; et il témoigna sa reconnaissance de ce bienfait dans la dédicace qu'il fit au roi Guillaume d'une collection de chansons en diverses langues, la- quelle fut publiée à Londres en 1701 sous ce titre: Collection of Sangs in several languacjes. Le catalogue de musique d'Etienne Roger, d'Amsterdam, indique un ouvrage d'Abell sous ce titra : Les airs d'' Abell pour le concert du Buole. On trouve aussi dans le quatrième vo- lume de la collection intitulée : Pills to purge vielancoly, deux airs de ce musicien. Abell mou- rut dans un âge très-avancé.
ABELTSHAUSER. On a, sous le nom de ce musicien allemand , qui était attaché à la mu-
sique du régiment autrichien en garnison à Mayence, de 1825 à 1830, les ouvrages suivants : l°six quatuors pour deux flûtes et deux cors, œuvre premier, Mayence, Schott; 2° idem, œuvre deuxième, ibid.; 3" douze pièces pour quatres cors, œuvre troisième, ibid.; 4° six pièces pour flilte, clarinette, cor et basson , œuvre qua- trième, ibid.
ABEJVHEIM (Joseph), musicien attaché à la chapelle du roi de Wurtemberg, est né à Worms en 1804, et y a reçu de Winkelmaier les premières leçons de piano et de violon. Plus tard il se rendit à Darmstadt pour y continuer ses études musicales sous la direction de Schloesser. Entré fort jeune dans l'orchestre de la cour de Manheim,il perfectionna son talent de violoniste et apprit les éléments de l'harmonie chez Frey, alors maîtréî de concerts de cette cour. En 1825, Abenheim fut admis dans la chapelle royale et à l'orchestre du théâtre de Stuttgard. Fixé dans cette ville, il s'y maria et s'y livra d'abord à l'ensei- gnement; mais, animé du désir d'augmenter ses connaissances dans son art, il obtint un congé en 1828 et se rendit à Paris, où Reicha lui donna des leçons de composition. De retour à Stuttgard, il prit une position plus élevée dans l'orchestre du théâtre royal, et remplaça le maître de cha- pelle Lindpaintner et son adjoint M. Molique, en leur absence. Ce fut lui aussi qu'on chargea de la direction de l'orchestre des vaudevilles qui étaient joués souvent sur le petit thràtie de la cour par les membres de la famille royale et quel- ques personnes de la haute noblesse . M. Aben- heim est fort estimé à Stuttgard comme professeur de piano et d'harmonie. Les compositions de cet artiste publiées jusqu'à ce jour sont les suivantes : 1" chant sans paroles pour le piano , Stuttg.ird , Ilallberger; 2° deux nocturnes pour piano seul : n° 1 en sol mineur, n°2 en la bémol., op. 8, ibid.; 3° Polonaise, idem, Carisruhe, Creuzbauer; 4° 6 Lieder à voix seule avec piano, op. 2, Leip- sick, Breitkopf et Hsertel ; 5° 6 idem, op 5, Stutt- gard, Copel ; 6° Le Rhin allemand ( Der deutsclic Rhein), de Baker, chanson à voix seule, Stutt- gard, Schulz; 7° Le Wurtembergeois et sa fidé- lité (en allemand), 2 chansons avec piano, Stuttgard, Zumsteg; 8* Le chant de Thekla dans le Wallenstein de Schiller, idem, op. 9, ibid.; 9° Chant pour le drame Der liebe Zamber, op. 10, Stuttgard, Hunz. Le plus grand nombre des productions de M. Abenheim est encore en ma- nuscrit; on y remarque des pièces de circons- tance pour des fôtes de la famille royale de Wur- temberg, la musique pour le drame intitulé Hariadan, joué à Stuttgard au mois de juin 1 842, un psaume à 4 voix et un Vater unscr (Pater
ABENHEIM — ABOU ALOUFA
noster), qu'il a l'ait exécuter plusieurs fois à Stutt- gaiil , et qui ont été considérés comme de beaux ouvraf^es.
ABERCORN (Le comte d'), précédemment Loid l'AisLEY. Voyez Pepuscii.
ABICIIT (Jean-George), tliéologien pro- testant el savant orientaliste, né en 1672, à Kœnigsée, dans la principauté deSchwartzbourg, mort à Witteniberg en 1740, ou, selon quelques biographes, le 5 juin 1749. 11 remplissait à W'ittemberg les fonctions de professeur à TAca- démie. Peu de temps avant sa mort, il avait été nommé membre de l'Académie royale des sciences de Berlin. L'objet principal des travaux d'Abicht fut la langue hébraïque, et surtout l'usage gram- matical, prosodique et musical des accents de cette langue. Sa dispuste avec Jean Franke a jeté quelque jour sur cette matière.
Parmi ses nombreux ouvrages, ceux qui ont du rapport avec la musique sont : \° Dissertatio deHebrxorumacceniuumgenuino Officio, dans la préface de Frankii diacrit. sacr.; 1710, in- 4" ; 2" Vindicix Usits accentiinm imisici et ora(oni,Joh. Frankio oppositx ; Lipsiae, 1713, in-'t"; 3" Accentus Hebreeorum ex antiquis- simo usu Icctorio vel imisico explkati, et ad nsum hcrmeneuticum appUcati , cum duabus tabulis seneis et specimïne locorum ex accen- abus explicatorum , in quo de Poesi Ilebrxo- rum rlmthmicn disseretur. Accedit Anon. Ju- dxi porta accenfuum in latimim sermonem versa, Lipsiac; Jo. Clirit. Kœnig, 1715, gr. in-8° de 300 pages de texte, index et planches; 4"* Exccrpta de lapsu murorum liierichtinti- norum. Ce dernier ouvrage a été inséré par Ugo- lini dans son Tliesatir.ant.sacr.,t. 32, p. 837. La plupart de ces dissertations se trouvent aussi dans le Trésor d'ikénius.
Goetten a donné une notice de la vie d'Abicht dans son Europe savante, et l'on trouve la liste de ses ouvrages dans les Vies des Théologiens saxons de Michel Ranst , t. F"", p. 1, et dans les Acta hist. ecclésiast., t. V, p. 289.
ABIIVGTOIV ou ABYi\GDOi\ (Henri), l'un des premiers chanteurs et musiciens de son temps , en Angleterre , fut d'abord organiste à l'é- glise de Wels, dans le comté de Sommerset, puis à la chapelle royale de Londres, où il mourut vers l'an 1520. Thomas Morus lui a fait deux épitaphes qu'on trouve dans le Thesuur. epi- taph. du P. Labbe.
ABOS(Jérôme), compositeur del'École napo- litaine, était d'origine espagnole, etnaquità Malte, dans les premières années du dix-huitième sfècle. Les Napolitains l'appelaient Avos, et mkm&Acossa, parce que la lettre b, dans la langue espagnole, a
le son du v, prononcé avec mollesse. Léo et Durante furent ses maîtres de composition et de chant. Devenu habile dans son art, il fut em- ployé dans l'enseignement au Conservatoire de la Pietà de" Tunchini. Il enseignait aussi le chant dans plusieurs couvents de femmes dont il était maître de chapelle. De son école sont sortis quelques chanteurs distingués, au nombre des- quels est Aprile. Les premiers opéras d'Abos jouésàNaples furent ; La Pupilla e 'l Tutore, La Serva padrona, et Ljlfujenïa in Aulïde. En 1746 il écrivit Artaserse pour le théâtre Saint- Jean-Chrysostome, à Venise. Il donna au théâtre Argentina de Rome, en 1750, VAdriaiio et écrivit ensuite plusieurs autres ouvrages dont les titres ne sont pas connus, pour les théâtres de cette ville, de Venise et de Turin. En 1756 il fut appelé à Londres, en qualité de Maestro al cem- balo du Théâtre-Italien, et dans la même année il y fit représenter le Tito Manlio. Deux ans plus tard il y donna le Creso, opéra sérieux en trois actes. De retour à Naples, dans l'été de 1758, Abcs reçut sa nomination de maître du Conservatoire de La Pietà. Il est mort dans cette ville, à l'âge de quatre-vingts ans , vers 1786. On connaît de ce maître beaucoup de musique d'église, dont cinq messes à quatre voix et orchestre, deux messes pour soprano et contralto, avec orgue; un Kyrie et Gloria, en sol mineur, pour quatre voix et orgue; un Kyrie et Gloriak huit voix réelles , avec vio- lons, violes, cors etorgue; des litanies de la Vierge pour soprano, contralto et orgue. Toutes ces compositions sont en manuscrit à Naples, à Rome, à Vienne et au Con<;ervatoire de Paris. La mu- sique d'Abos à quelque ressemblance de style avec celle de Jomelli. Son harmonie est pure et ses mélodies ne manquent point d'élégance; mais on n'y trouve pas d'oiiginalité dans les idées.
ABOU ALOUFA, fils de Sa/iid, auteur persan d'un Traité de Musique pour le chant et pour les instr^iments qu'on joue avec la bouche et avec les doigts, que Chardin apporta en Europe, et dont le manuscrit est aujourd'hui dans la bibliothèque du Muséum britannique, à Londres. Chardin a donné une analyse de cet ouvrage dans la relation de ses voyages (t. V, p. 106, pi. XXVI, édit. d'Amsterdam, 1711). On y voit la figure du manche de l'Eoudo ou luth, avec sadivision et les noms des cordes, ainsi que des cases. La doctrine d'Abou Alou/a est la division de l'octave en vingt-quatre parties ou quarts de ton. La musique, dit-il, est une ville divisée en quarante-deux quartier s donl chacun a trente-deux rues (circulations ou gammes); d'où il suit que le nombre de modes fonda- mentaux et dérivés de la musique persane est
ÏO
ABOU ALOUFA — ACCELLI
de treize cent qucunnie-quatrc. Parmi les ins- truments décrits par Abou Aloufa se trouve la v'ina de l'Inde, dont il donne la figure avec le nom persan kenkeri. Celte circonstance indique que le temps où l'ouvrage fut écrit est très-reculé, car à l'époque où Chardin séjourna en Perse (c'est-à-dire dans la seconde moitié du 17® siècle), l'instrument dont il s'agit y était complètement inconnu.
ABRAHAM (....)> professeur de clari- nette et de solfège à Paris, entra dans l'orcliestre du Théâtre des Délassements comiques, en 1790. Il est mort vers 1805. C'était une espèce d'ouvrier musicien, aux gages des marchands de musique; il arrangeait pour eux les ouvertures et les airs des opéras nouveaux pour divers ins- truments. Il a publié en outre : 1° Méthode pour le flageolet; Paris, Frère. — 2° Méthode pour la clarinette; iliid. — 3° Méthode pour le basson. Le nombre de recueils d'airs qu'il a arrangés pour deux violons, deux flûtes, deux clarinettes ou deux l)assons est très-considérable.
ABRAHAM (. . . .), constructeur d'orgues, né en Boht^me, est auteur de l'orgue des Corde- liers, à Prague, composé de vjngt-dnq jeux, deux claviers, pédale et quatre soufflets; et de celui de l'église Saint-Dominique de la même ville, composé de soixante-onze jeux, quatre claviers, pédale et douze soufflets. On ignore en quel temps il vivait.
ABRAHAM BEIV DAVID ARIÉ,rabbin, Israélite italien, vécut vers la fin du seizième siècle et au commencement du dix-septième. Il exerçait la médecine à Modène. Il a écrit un livre intitulé : amn^H ^"cSu, Sciltè Hagghibbo- rim (les Boucliers des puissants), qui a été publié à Mantoue, en 1G12. Cet ouvrage, dont les exemplaires sont très-rares, (raite des vases et ustensiles dont on faisait usage dans le temple de Jérusalem, des sacrifices, libations, parfums, offrandes, et de tout ce qui appartenait aux obla- lions. La seconde partie traite des offices, des prêtres, des chantres. {Voijez Barlholocci, Bi- blioth. magna rabb'mica, pars IV, p. 464. ) Ugo- lini a traduit toute la partie de cet ouvrage qui concerne les instruments de musique , le chant et autres choses de l'exécution musicale, dans son Thésaurus antiquitatum sacrarum , etc., tome XXXIl, col. 1 — 96. Cette section du Sciltè ffagghibborim est divisée en dix chapitres.
ABRAMS (Miss Henriette et M'"'^), deux très-bonnes cantatrices anglaises, concoururent avec madame Mara à embellir les concerts donnés k Londres, en 17S4 et 1785, pour la com- mémoration de Hœndel.
Miss Abrams a publié les ouvrages suivants,
qu'on trouve dans le catalogue de La venu de 1796 : 1° Trois chansonnettes sur des paroles an- glaises. — 2° Little Boy blue , air à trois voix. — 3° Duo sur ces paroles : And mustwe part ! Le petit air qui commence par ces mots : Crazi Jane, et dont la musique est de Miss Abrams, est devenu populaire. On a aussi publié de cette cantatrice : 1° Collection of Songs, Londres, 1787. — 2° Collection of Scotch Songs, harmo- nized/or two and three voices, ihid.
ABS (Joseph-Théodosien), ancien moine fran- ciscain, né vers 1775 dans le duché de Berg, fut nommé, après la suppression de son ordre, di- recteur de la maison des orphelins à Kœnigsberg. On a de sa composition 300 chansons avec leurs mélodies, et 100 devises en canons.
ART (François), né le 22 décembre 1819, à Eilenbourg, en Saxe, a fait ses études musicales à Leipsick, et s'y est fait connaître d'abord comme pianiste et professeur de cet instrument. Au mois de septembre 1841 il a été appelé à Zurich, en qualité de directeur de la Société philharmo- nique , place dans laquelle il a succédé à Eugène Petzold. En 1853 il a quitté cette position pour celle de second maître de la chapelle et du théâtre à Brunswick. Fécond auteur de petites pièces pour le piano, il a publié pour cet instrument des fan- taisies, rondos, rondinos et caprices à quatre mains, des contredanses , des valses , des thèmes variés, des pots-pourris, rondos, etc, pour piano seul; une immense quantité de chants et de lieder, à voix seule, avec ace. de piano, et d'autres baga- telles. En 1844 il a composé un opéra pour le théâtre de Leipsick : j'ignore si cet ouvrage a été représenté.
ABU-JVASR-MOHAMMED-BEN-FA- RARI. Voy. FAR\iii.
ACAEN ou AÇAEIV, contrapuntisfe espa- gnol, né dans la seconde moitié du quinzième siècle, parait avoir passé une partie de sa vie en Italie. Ce musicien est cité dans le Mélopeo de Cerone, et dans le Trattato délia natura e co- gnizione di tutti gli tuoni, d'Aaron. Dans le deuxième livre des Motetti de la Corona , pu- blié en 1519, par Octavien Petrucci de Fossom- brone, on trouve les motets d'Açaen à quatre \o\\ : Nojnine quiDominiprodit,elJudicame, Deus, et discerne.
ACCELLI (César), confrapuntiste italien, vivait dans la seconde moitié du seizième siècle. Il a publié k Venise, en 1557, Libre primo de' Madrigali a cinqiie voci, dans lequel on trouve le madrigal Donna mia casia e bella qui est d'une suavité remarquable. Dans un recueil qai a pour titre : De'' Jloridi Virtuosi d'Jtalia il terzo libro de' madrigali a cinque voci, nuovamente
ACCELLI — ADALBERT
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compost i e dati in luce {Venezia, Giacomo Vincenti e Ricciai-do Amadinocompagni, \b&6) , on trouve des madrigaux de la composition de ce musicien.
ACCIAJUOLI (Philippe), poète drama- tique et compositeur, né à Rome en 1637, entra de bonne heure dans l'ordre des chevaliers de Malte. Les caravanes qu'il dut faire avant d'être .décoré de la croix de l'ordre firent naitre en lui une telle passion de voyages , qu'il visita non-seu- lement toute l'Europe , et les côtes d'Afrique et d'Asie, mais même l'Amérique, d'où il revint dans sa patrie par l'Angleterre et la France. Le repos dont il jouit alors lui permit de se livrer au goût qu'il avait toujours eu pour le théâtre, et princi- palement pour l'opéra. Il écrivit plusieurs pièces, dont il composa lui-même la musique. La facilité prodigieuse dont il était doué lui suggéra aussi la pensée d'être en même temps le décorateur et le machiniste de ses opéras, et bientôt il devint pour ces accesoires l'un des plus habiles de son temps. L'académie des Arcadi illustri l'admit au nombre de ses membres, et il y figura sons le nom de Jreneo Amasiano. Il mourut à Rome le 3 fé- vrier 1700. Les opéras dont Acciajuoli a fait les paroles et la musique sont : 1° Il Girello, dramma bicrlesco per rnusica; Modène , 1675, et Ve- nise 1682. — 1° La Damina placata ; Venise, 1680. — 3° VVlisse in Tracia; Venise, 1681. — 4" CM è causa del suo mal, pianga se stesso, poesia d'Ovidio, e rnusica d'Orfeo. On ignore Tannée et le lieu où cet ouvrage a été représenté; Allacci n'en fait pas mention dans sa Drama- turgia, et il n'est connu que par ce qu'en dit Mazzuchelli ( Gli Scrittori d'Ilalia, t. I).
ACCORIMBONI (Augustin) naquit ù Rome vers l'an 1754. Al'àgede ving-huit ans il composa, pour le théâtre de Parme, un opéra intitulé : Jl Regno délie Amazzoni, qui eut beaucoup de succès, et fut ensuite représenté sur les principaux théâtres de l'Italie , et même à l'étranger. En 1786 il donna aussi à Rome. Il Podestà dl Tuffo antico. Il quitta ensuite la carrière théâtrale pour s'adonner à la musique d'église, et composa un grand nombre de messes, de motets et de vêpres, qu'on trouve répandus dans la Romagne et la Lombardie. On ignore l'époque de sa mort.
ACEVO (. . .), luthier piémontais , né à Saluzzio, ou Saluées, vers 1630, futélcvede Cappa, et eut de la réputation par la bonne qualité de ses instruments. Ses basses de viole lurent particuliè- rement estimées. J'ai vu un de ces instruments qui portait la date de 1693 : il avait appartenu à Marin Marais , dont il portait la signature sur le dos.
ACEVO. Voy. ALVAREZ.
ACHTER ( P. Ulrich) naquit à Aichbach, en Bavière , le 10 mars 1777. Son père, qui était tailleur, lui lit apprendre la musique chez les bénédictins, où il fut reçu le 13 mai 1798. Il prit l'habit de cet ordre le 3 mai 1801, et mourut de phthisie dans sa ville natale, eu octobre 1803, Il jouait bien du violon, et se distingua dans la composition, particulièrement pour la musique d'église : on cite de lui une messe solennelle d'une beauté remarquable.
ACKERFELD (Armand d'). On a sous ce nom plusieurs œuvres pour le piano, entre autres quinze variations sur l'air allemand Freut eiick des Lebens , œuvre sixième (Augsbourg, Gom- bart).
ACKERMANN (Dorothi'e), actrice et can- tatrice du théâtre de Kamboii rg, naquit à Dantzick en 1752. Elle se retira du théâtre en 1778. Elle jouissait d'une répul ition assez brillante.
ACKERMAIVA^ (Charlotte-Sophie), née Bacumann, cantatrice qui brillait sur le théâtre de Kœnigsberg en 1796, naquit à Reinsberg en 1759. Elle eut beaucoup de succès, principale- ment dans les premiers rôles des opéras de Mo- zart.
ACKERMANJV (D. Jean-Charles-Henri), né à Zeitz en 1763, a lu, le 22 octobre 1792, au concert donné dans cette ville au. profit des pau- vres, un discours qui a été imprimé sous ce litre : Veber die Vorziige der Musik, ein Ecde (Dis- cours sur les Prérogatives de la musique), Leipsick, 1792, 27 pages in-S".
ACTIS (L'abbé), Piémontais, membre de l'Académie des sciences de Turin , vers la fin du dix-huitième siècle , a fait insérer dans les Mé • moires de cette société, de 1788-89 (Turin, 1790), des Observations sur l'écho ou porte-voix de Véglise de Giryenti.
ADALBERT (Saint), surnommé Woitie- cus, en polonais, Swienttj Woijciech, évêque de Prague , né en 939, était de la famille Li- bicenski , qui tenait un rang dans la noblesse de la Bohême. Il (it ses éludes à Magdebourg. De retour à Prague , il fut sacré évêque. Ayant voulu réformer les mœurs du clergé de Bohême, il en fut persécuté, et se vit obligé de s'enfuir à Rome , où le pape Jean XV le dégagea de ses obligations envers son diocèse. Alors les Bohémiens le redemandèrent, et le reçurent avec des démonstrations de joie ; mais cet accord en- tre l'évêque et ses diocésains ne dura pas, et saint Adalberl fut obligé de s'éloigner encore. Il prêcha la foi catholique aux Hongrois et aux Polonais, d'abord à Cracovie, ensuite à Gnesne, dont il fut fait archevêque. Il passa ensuite en Prusse pour y remplir ses fonctions apostoliques
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ADALBERT — ADAxM DR LA HALE
«t eut d'abord des succès à Dantzick; mais, dans une petite île où il avait abordé, les habitants le percèrent de coups de lance, et il obtint ainsi les honneurs du martyre, en 997. Boleslas, prince <le Pologne, racheta, dit-on, son corps pour une quantité d'or d'un poids égal : c'est beau- ijoup d'or pour un prince de Pologne et pour <;ette époque.
Gerbert, dans son traité De Cantuet Musica sacra, t. 1, p. 348, a publié un chant en (orme de litanies, eu langue esclavonne, dont il est auteur. Onluiattribueaussi le chani Boga-Rodzica (Mère de Dieu) que les Polonais avaient coutume d'en- lonner avant une bataille. Cachant a été publié dans la Bévue musicale (t. IV, p. 202) rédigée par l'auleur de ce dictionnaire, d'après des copies authentiques de deux anciens manuscrits dont J'un existe dans la cathédrale de Gnesné, et l'antre se trouvait dans la t'ameuse bibliothèque Zatoslii , à Varsovie. 11 a été aussi inséré en nota- tion moderne dans la collection de chants histo- jiques polonais qui a pour titre : Spievy histo- rijcznez musikoui rycinami (Chants historiques, avec la musique eu notation moderne et me- surée, avec des gravures), par Julien Ursin Niemcewicz, président de la Société royale des Amis des sciences, à Varsovie, secrétaire du royaume de Pologne, etc. {y édit., in-8° de 573 pages. Varsovie, imprim. du gouv., 1S19).
ADAîkl, surnommé Borensis, parce qu'il était moine au couvent de Dorham (ordre de Ci- leaux), près d'Hereford , en Angleterre, vécut «iers l'année 1200. Dans sa jeunesse il se livra à l'étude des arts, des sciences et des lettres; la musique fut particulièrement l'objet de ses tra- vaux. Son savoir et sa piété le firent élire abbé <lc son monastère. Dans le même temps, de vives iliscussions s'élevèrent entre les moines et les clercs séculiers; à l'occasion de ces démêlés. Syl- vestre Gyraldus, homme érudit, mais esprit violent, écrivit un virulent pamphlet contre les moines, sous le titre de Spéculum Ecclesiœ. il y attaquait particulièrement l'ordre de Cîteaux. Adam prit la défense de cet ordre dans un écrit intitulé : Conlra Spéculum Giraldi, lihrum ■unum. Il fut aussi l'auteur d'un livre sur la mu- sique, qui existe encore en manuscrit dans plu- sieurs bibliothèques, et qui a pour titre : Rudi- menta imisices, lib. I. Joecher dit ( Gelehrten Lexikon ) que cet ouvrage est imprimé. Je crois que c'est une erreur ( Voij. Pilsœtis , lib. De il- luslribîis Anglix script.; Henriquez, in Phœ- nice, et Caroli de Visc/i Bibliot. scrrptor. sac. Ord. Cister.).
ADAM (de Saint-Victor), chanoine régulier de l'abbaye de Saint-Victor-lez-l^arjs , mourut
le 11 juillet 1177; il fut inhumé dans le cloître de cette abbaye. On lui attribue le chant de quelques hymnes en usage dans l'église.
ADAM DE LA IIALE, surnommé Le Bossu d'Arkas, à cause de sa difformité et du lieu de sa naissance, fut l'un de ces trouvères qui , dans les douzième et treizième siècles , tra- vaillèrent à former la langue française , et répan- dirent le goût de la poésie et de la musique. Adam paraît être né vers 1240. Fils d'un bourgeois qui jouissait d'une certaine aisance, il fut envoyé à l'abbaye de Vauxelles , près de Cambray , où il fit ses études. Il porta d'abord l'habit ecclésias- tique; mais son humeur inconstante le lui fit quitter et reprendre ensuite. C'est lui qui nous donne ces détails dans ses adieux à sa ville na- tale, intitulés : Ccst li conrjiés Adan d'Aras, pièce publiée par Méon, dans sa nouvelle édition des fabliaux de Barbasan, t. I, p. 106. Adam de la Haie épousa une jeune damoiselle qui, pendant qu'il la recherchait, lui .semblait réunir tous les agréments de son sexe , et qu'il prit en aversion dès qu'elle fut devenue sa femme. 11 la quitta, et vint demeurer à Paris, oîi il pa- raît s'être rais à la suite de Robert II du nom , comte d'Artois. Ce prince ayant suivi, en 1282, le duc d'Alençon, que Philippe le Hardi envoyait au secours de son oncle, le duc d'Anjou, roi de Naples, pour l'aider à tirer vengeance des Vê- pres siciliennes , Adam de la Haie l'accompagna dans cette expédition. A la mort du roi de Na- ples, en 1285, le comte d'Artois fut nommé ré- gent du royaume , et ne i evirt en France qu'au mois de septembie 1 287 : Adam de la Haie était mort à Naples dans cet intervalle, comme on le voit dans l'espèce de drame intitulé : Li Gieus du pèlerin, attribué à Jean Bodel d'Arras, con- temporain d'Adam. C'est donc à tort que Fau- chet et Lacroix du Maine , qui ont été copiés par le Dictionnaire historique dePrudhomme et par la Biographie universelle de Michaud,ont dit qu'A- dam se lit moine à l'abbaye de Vauxelles, et qu'il y mourut. Nous avons tiré ces détails des obser- vations préliminaires que M. Monmerqué a mises en tète de l'étlition qu'il a donnée d'un ouvrage d'Adam de la Haie dont nous parlerons tout à l'heure.
Adam de la Haie se distingua particulièrement dans le genre de la chanson; il en composait les paroles et la musique. Les manuscrits de la Bi- bliothèque impériale, numéros 65 et 66 (fonds de Cangé) et 2736 (fonds La Vallière) nous en ont conservé un grand nombre, qui sont notées. Mais ce dernier est surtout d'une haute impor- tance pour l'histoire de la musique, car il con- tient seize chansons à trois voix , et six motets
ADAM DE LA HALE '— ADAM DE FULDE
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dont Adam de la Haie est auteur. Ce précieux manuscrit, qui est du commencement du qua- torzième siècle , nous offre donc les plus ancien- nes compositions à plus de deux parties, puis- qu'elles remontent au treizième siècle. Les chan- sons ont la forme du rondeau , et sont intitulées : Li Rondel Adan. Leur musique n'est point une .simple diaphonie ecclésiastique , c'est-à-dire un assemblage de voix procédant par notes égales, et faisant une suite non interrompue de quintes, de quartes et d'oc tares , comme on en trouve des exemples dans les écrits de Gui d'Arezzo et de ses successeurs. On y voit, à la vérité, des quintes et des octaves successives, mais entre- mêlées de mouvements contraires et de combi- naisons qui ne manquent pas d'une certaine élégance. C'est, sans doute, une musique encore bien grossière; mais c'est un premier pas vers le mieux, un intermédiaire nécessaire entre la diaphonie proprement dite et des com- positions plus perfectionnées. On concevait la nécessité de ces premières améliorations; mais aucun monument n'étant connu, on ignorait en quoi elles consistaient. Les découvertes que l'au- teur de ce dictionnaire a faites, tant de ce manus- crit que de plusieurs autres non moins intéres- sants {voyez Lanuino et Busnois), et que le premier il a fait connaître, sont donc importantes en ce qu'elles lient entre elles les premières épo- ques de l'histoire de l'harmonie, qui étaient en- veloppées d'une obscurité profonde.
Les motets d'Adam de la Haie nous offrent aussi plusieurs particularités remarquables. Ils se composent du plain-chant d'une antiçnne ou d'une hymne , mis à la basse avec les paroles latines, et sur lequel une ou deux antres voix font un contre-point fleuri, grossier à la vérité, mais assez varié ; et ce qui peint bien le goût de ce temps, c'est que ces voix supérieures ont des paroles françaises de chansons d'amour. Ces motets se chantaient dans les processions. Quel- quefois le motet est établi sur un seul trait du plain-chant qui e?t répété dix ou douze fois en basse contrainte, sorte d'invention qu'on croyait beaucoup plus moderne.
Il me reste à parler d'un autre ouvrage d'Adam de la Haie qui aurait dû suffue pour l'immorta- liser : cependant son nom a été inconnu long- temps a tous les musiciens ! Je veux parler du plus ancien opéra-comique qui existe, et dont il est l'auteur. Ilestintitulé : Le jeu de Robin etde Ma- rion. Les manuscrits de la Bibliothèque impériale 2736 (fonds de La Vallière) et 7604 (ancien fonds), nous en offrent des copies d'après lesquelles la Société des Bibliophiles de Paris l'a fait imprimer ea 1822, au nombre de 30 exemplaires, pour
être distribués à ses membres. C'est une brochure in-8° de cent pages. Les caractères de musique ont été fondus par M. Firmin Didot. M. Monmerqué, qui avait préparé cette édition, en a donné une deuxième publiée par M. Ant.Aug.Renonard, à la suite du second volume de la troisième édition des Fabliaux ou Contes de Le Grand. Enfm letextt; de la même pastorale a été réimprimé dans le Théâtre français du moyen âge, publié d'après les manuscrits de la Bibliothèque du Roi, par MM. L. J. N. Monmerqué et Francisque Michel ; Paris, Firmin Didot frères, 1839, 1 vol. gr. in-S- à deux colonnes. Cette pièce, où il y a onze per- sonnages, est, comme je viens de le dire, un opéra-comique, divisé par scènes, et dans lequel le dialogue est coupé par des chants. On y trouve des airs, des couplets et des duos dialogues , mais sans ensembles. Marion aime Robin ; survient un chevalier qui veut la séduire; elle lui répond qu'elle n'aimera jamais que Robin. L'air qu'elle chante dans cette silualion n'est pas dépourvu de grâce. Ce petit air a été publié dans la Revue Musicale (t. l") avec une des chansons à trois voix d'Adam de la Haie, mise en partition. Pos- térieurement, M. Bottée de Toulmon a publié plusieurs autres chansons, rondeaux et motets de ce trouvère, tant dans les Archives czirieuses de la musique, dont M. Danjou {voy. ce nom) était éditeur, qu'à la suite d'une notice sur Adam de la Haie insérée dans V Encyclopédie catho- lique; mais il s'y est glissé beaucoup de fautes. Kiesewetler a reproduit dans les planches de musique de son livre sur la destinée et la situation du chant mondain avant l'invention du style dra- matique (Schicksale und Beschaffenheit der welllïchen Gesanges, etc.) la chanson publiée dans la Revue musicale , suivie d'un rondeau et d'un motet à trois voix d'Adam de la Haie, traduit» par Bottée de Toulmon : ce dernier morceau est rempli d'erreurs de noiation.
Cette pièce paraît avoir été composée à Naples vers 1285, pour le divertissement de la cour, qui alors était toute française. Roquefort l'a at- tribuée à Jehan Bodel d'Arras (De l'État de la Poésie française dans le douzième et le trei- zième siècle, p. 261); mais c'est évidemment une erreur, car le manuscrit 273ri porte cesmols^ en tête : Chi commenche li gieus de Robin et de Marion c'Adans fist.
ADAM DE FULDE, moine de Franconie, auteur d'un tiaité sur la musique dont on ne connaît qu'un seul manuscrit, qui se trouve dans la bibliothèque de Strasbourg, et que l'abbé Gerbert a inséré dans ses Scriptorcs ecclésiast. de mus. sacr., t. III, p. 329. Cet ouvrage a été achevé le 5 novembre 1490; car l'auteur a con-
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ADAM DE'FULDE — ADAM
signé celle date à la fin de son livre. Il est divisé en quatre «ivres : le premier, composé de sept chapitres, traite de l'invention des diverses parties de l'art; le second, en dix-sept chapitres, traite de la main musicale, du chant, de la voix, des clefs, des muances, du mode et du ton; le troisième, qui est le plus important, traite de la musique mesurée, et le quatrième, des proportions et des consonnances.
On ignore la date précise de la naissance d'A- dam de Fulde; mais elle a dû avoir lieu vers l'an 1450, car il dit, cliapitre 7""^ du l" livre, qu'il fut presque le contemporain de Guillaume Dufay et de Busnois, qui vécurent dans la pre- mière moitié du quinzième siècle : Et circa meam œtatem doctissimi Wdhelmus Dufay ac An- tonius de Bufna, quorum, etc. Il prend le titre de musicien ducal au commencement de sa dédicace.
Glarean nous a conservé, dans son Dodéca- corde (p. 262) , un cantique à quatre voix d'Adam de Fulde; c'est un morceau fort bien écrit, et l'un des plus anciens monuments de composition régulière à plusieurs parties. Dans rjîwc/in-irfêow des chants religieux et des psaumes ( Magdebourg, 1673) , on trouve aussi, p. 50, léchant : Ach hillp my Leidt undsenlich Klag, sous le nom d'Adam de Fulde.
ADAM (Louis) , né le 3 décembre 1758 à Miettersheltz , département du Bas-Rhin, eut d'abord pour maître de clavicorde un de ses pa- rents, excellent amateur; il reçut ensuite pen- dant quelques mois des leçons de piano d'un bon organiste de Strasbourg nommé Hepp , mort vers 1800; mais c'est surtout à l'étude qu'il a faite par lui-même des écrits d'Emm. Bach, des œuvres de Hœndel, de Bach, de Scarlatti, de Schobert, et, plus récemment, de Clementi et de Mozart, qu'il dut la science et le talent qui l'ont placé au premier rang parmi les professeurs de son instrument. Adam a, dans son enfance étudié sans maître le violon et la harpe. 11 a aussi appris seul l'art d'écrire ou la composition.
Arrivé à Paris à l'âge de dix-sept ans, pour y enseigner la musique, il débuta par deux sym- phonies concertantes pour harpe et piano avec violon, qui furent exécutées au concert spirituel, et qui étaient les premières qu'on eût entendues en ce genre. Depuis ce temps, il s'est livré à l'en- seignement et à la composition. En 1797, il fut nommé professeur au Conservatoire ; là, il a formé un grand nombre d'excellents élèves; les plus connus sont Kalkbrenner, F. Chaulieu, Henri Le Moine ; M"*' Beek , Basse et Renaud d'Allen , qui successivement ont obtenu les premiers prix de piano dans cette école. Hérold père et Gis,
Callias, Rougeot, Bréval fils, M'" Bresson, et beaucoup d'autres, ont aussi reçu de ses leçons. En 1818, le cours de piano que faisait cet artiste au Conservatoire fut réservé pour les élèves du sexe féminin.
Les ouvrages d'Adam sont : 1° Onze œuvres de sonates pour le piano publiés à Paris.— 2" Quelques sonates séparées. — 3° Des airs variés pour le même instrument, notamment celui du Roi Dago- bert, qui a eu beaucoup de succès. — 4° Méthode ou principe général du doigté^ suivie d^une collection complète de tous les traits possibles, avec le doigté, etc. (en société avec Lacbnith); Paris, Sieber, ildS. — b" Méthode nouvelle pour le piano , à l'usage des élèves du Conserva- toire; Paris, 1802. Peu d'ouvrages élémentaires ont eu une vogue semblable à celle que celui-ci a obtenue. Près de vingt mille exemplaires ont été livrés au public dans l'espace de vingt-cinq ans. Cette vogue était méritée sous le rapport de l'exposé des principes du doigté, qui n'avait jamais été si bien fait. Une cinquième édition de cet ouvrage, revue avec soin par l'auteur, a été publiée à Paris, en 1 83 1 . — 6° Des quatuors d'Haydn et de Pley el, arrangés pour piano. — 1° Un recueil de romances.
— 8" la collection entière des Délices d'Euterpe,
— 9° Journal d'ariettes italiennes de M"*' Erard. Adam a été fait chevalier de la Légion d'honneur au mois de novembre 1827. Retiré en 1843 , après quarante-cinq ans de services , il a obtenu une pension de 2,000 francs, dont il n'a joui que peu d'années, car il a cessé de vivre le 11 avril 1848, à l'âge de quatre-vingt-dix ans.
ADAM(Adolphe-Chakles), fils du précédent, né à Paris le 24 juillet 1803 (l), ne fut pas des- tiné par ses parents à cultiver la musique. On le mil fort jeune dans un pensionnat pour commencer des études littéraires , et pendant plusieurs années il fréquenta le Lycée Napoléon; mais, ennemi du travail, il y fit peu de progrès, el n'alla pas au delà de la quatrième. Sur ses demandes réitérées, son père consentit enfin à le retirer du collège et à lui donner un maître de musique, qui n'eut pas plus à se louer de son application que ses pro- fesseurs de grec et de latin. Musicien d'instinct, il lui paraissait plus facile de deviner le méca- nisme de l'art que de l'apprendre. D'ailleurs, peu surveillé dans ses travaux, il jouissait d'une en- tière liberté, dont il est rare qu'un jeune garçon n'abuse pas. Au bout de quelques années, il se trouva pourtant qu'il jouait assez bien du piano et qu'il improvisait avec facilité sur les orgues do plusieurs éghses de Paris, sans avoir rien lait
(i) Cette date est conforme aus registres d'inscription du Conservatoire et de l'Institut royal de l'rancc : c'est par erreur qu'on a tait naître Adam en ijot, dans d'au- tres Biographies.
ADAM
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pour parvenir à ce résultat , et quoiqu'il n'eût pu lire couramment une leçon de solfège. 11 avait eu quelques leçons d'iiarmonie de Widerker (t'oy. ce nom). On le fit entrer alors (1817) au Conserva- toire, où ses habitudes de paresse ne se démenti- rent pas, mais où son heureuse organisation triompha de son incurie. Après avoir suivi tant bien que mal un cours d'harmonie et de contre- l)ointsous la direction de Reiclia, il se mit à écrire des airs, des duos, des scènes entières, peu re- marquables par la correction du st\le, mais où se trouvaient des mélodies faciles, lioieldieu, qui eut occasion de voir ces essais, crut y apercevoir le germe du talent. 11 fit entrer Adam dans son cours de composition, et dès ce moment le goût du travail se développa chez le jeune musicien. Il y avait entre le maître et le disciple une singulière analogie d'esprit et de sentiment de lart. Sauf la différence du talent, tous deux étaient mélodistes ; tous deux avaient pour qua- lité dominante l'instinct de l'expression de la parole chantée, et l'intelligence de la scène. Adam était l'élève qui convenait le mieux aux leçons de Boieldieu, et celui-ci était le maître qui pou- vait le mieux développer les dispositions d'Adam. De là l'intimité qui s'établit entre eu.x tout d'a- bord, et les rapides progrès du jeune compositeur sous la direction de l'auteur de La Dame blanche. Lorsque Adam concourut à l'académie des beaux- arts de l'Institut pour le grand prix de composi- tion, la section de musique, apt^lée à juger le concours, remarqua la similitude de son style avec celui de son maître. Le second prix lui fut décerné : il avait espéré le premier; mais il s'en lint à cet essai, parce qu'il attachait moins de prix à voyager avec le titre de pensionnaire du !;ouvernement qu'à se livrer immédiatement à la carriSte de compositeur dramatique, à laquelle il se sentait prédestiné. Cependant, pour arriver au théâtre, il ne suffit pas d'avoir achevé des études d'école avec quelque succès ; car le talent d'un musicien n'acquiert de valeur dans l'opinion des poêles d'opéra qu'après s'être produit avec bonheur sur la scène. Comprenant la difficulté de sortir de ce cercle vicieux , Adam n'imagina pas de meilleur moyen d'en triompher que de se faire en quelque sorte habitant des coulisses. D'abord symphoniste sans appointements à l'orchestre du Gymnase dramatique , il devint plus tard accom- pagnateur au piano du même spectacle, et ses fonctions lui fournirent l'occasion de connaître, des auteurs et de devenir leur ami. Queiques- \ms lui confièrent des couplets pour en composer la musique. Les jolies mélodies qu'il écrivit pour La Batelière, Caleb, Le missardde Fels/ietm, et plusieurs autres vaudevilles devinrent popu
laires, et furent les précurseurs de succès plus importants. Dans le même temps où il se faisait connaître par ces gracieuses bagatelles, il impro- visait en quelque sorte avec une prodigieuse fé- condité des fantaisies et des variations pour le piano snr des thèmes de la plupart des opéras représentés à Paris, particulièrement de Za3/«<e/^e (le Por/ici et de La Fiancée, d'Auber, de Moïse, dsi Comte Onj et de Guillaume Tell, de Ros sini, de La Datyie blanche, des Deux nuits, de Boieldieu, et de beaucoup d'autres.
Le premier ouvrage de quelque importance où il fut permis à Adam d'aborder la scène fut l'opéra de Pierre et Catherine, en un acte, qu'il fit représenter au théâtre de l'Opéra-Comiqne , au mois de février 1829. Cet ouvrage, qui an- nonçait du talent, mais une facilité un peu trop négligée, à été bien accueilli du public. Da- ni/owa , autre opéra en trois actes, joué au môme théâtre dans le mois d'avril 1830,, est une production plus importante, où l'on remarqua plus d'habileté dans la facture , et qui donnait des espérances pour l'avenir. Malheureusement , le désir de faire vite sembla préoccuper pen- dant quelque temps le jeune musicien plus que celui de faire bien. Ses productions se succédaient avec rapidité et se ressentaient plus ou moins de la promptitude de leur enfantement. Trois jours en îine heure, opéra en un acte, Joséphine, aussi en un acte , joués dans la même année que Danilowa ; Le Morceau d'ensemble, en un acte ; Le Grand Prix, en trois actes , et Casimir, en deux actes, joués en 1831, et deux opéras anglais , représentés à Londres en 1832, firent craindre qu'Adam ne fût pas destiné à laisser de traces du- rables de son passage sur la scène lyrique ; mais Le Proscrit, opéra en trois actes, qu'd fit repré- senter au théâtre de l'Opéra-Comique, le 17 sep- tembre 1833, prouva que cet artiste pouvait prétendre à d'honorables succès. A cet ouvrage succédèrent: Une bonne fortune, en un acte; Le Chalet, en un acte, composilion élégante et spirituelle (1834); La Marquise, en un acte; et Micheline, en un acte ( 1835); Le Postillon de Longjumeau , en trois actes , opéra dont le succès a été brillant et mérité (1836 ); Le Fidèle Berger, en trois actes, et Le Brasseur de Preston en troisactes (1838); Régine, en deux actes, et La Reine d'un jour en trois acte (1839) ; La Rose dePéronne, en troisactes (1841), La l\lainde/er,. ouleSecret{\^il); Le Roid'Yvetot, entro\sacles (1842) ; Caj/^ios^ro, en trois actes(1844); Richard en Pa/'î^iHC, grand opéra en trois actes (1844). A ces nombreuses productions il faut ajouter plU' sieurs ballets dans lesquels se trouvent une multi- tude d'airs de danse charmants, particulièrement
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ADAM
Faust, en trois actes, écrit à Londres en 1832; La Fille du Danube, en deux actes, à Paris (1836) ; Les Mohicans , en deux actes (1837) ; La Jolie Fille de Gand (1839); Giselle, en deux actes, charmante composition (1841); un grand ballet à Saint-Pétresbourg, dans la même année, et un autre à Berlin. Enfin Adam a refait la plus grande partie de l'instrumentation de Richard Cœur de Lion, opéra de Grétry ; du Déserteur, de Monsigny; de Gulisian; de Dalayrac; de Cen- drillon, de Nicolo, pièces dont la reprise a été couronnée d'un brillant succès.
Ici la grande activité du compositeur paraît s'ar- rêter tout à coup; car en 1845 il ne donne que le ballet du Diable-à-Quatre , à l'Opéra, un autre, à Londres ; et La Bouquetière, petit opéra en un acte, fut la seule de ses productions dans l'année suivante. La cause de cette inaction apparente fut «ne fantaisie malheureuse qui s'était emparée de l'esprit de l'artiste, et qui, pendant plusieurs années , le priva de son repos et compromit sa position. Brouillé avec Basset, nouveau directeur de l'opéra-comique, qui lui ferma les abords de cette scène , il se persuada qu'il manquait à Paris un théâtre où les jeunes auteurs et compositeurs fussent admis à essayer leur talent sans rencon- trer trop d'obstacles ; il voulut satisfaire à ce be- soin qui lui paraissait impérieux, et eut le mal- heur d'obtenir le privilège de ce théâtre en le payant fort cher. Déjà, longtemps avant d'en faire l'ouverture, il avait pu en comprendre les in- convénients ; car l'artiste avait disparu pour faire place à l'homme d'affaires. Enfin le nou- veau spectacle fut inauguré sous le titre de Théâtre national, en 1847. Les représentations allèrent tant bien que mal ; et dans l'année suivante la révolution de février acheva la ruine du théâtre , qui fut fermé. Adam avait perdu quatre-vingt-mille francs d'économies qui compo- saient toute sa fortune, et il en devait soixante- dix mille, pour lesquels il était poursuivi. La seule indemnité qu'il obtint fut sa nomination de professeur de composition au Conservatoire, avec un traitement de 2,400 francs.
Picnlré dans son élément propre, l'artiste re- piit ( 1849 ) possession de la scène par son Tor- réador, en deux actes , joué à l'Opéra-Comique , par Le Fanal, en deux actes, représenté à l'Opéra, et par La Filleule des Fées , ballet représenté au même théâtre. A ces ouvrages ont succédé Giralda , ou la Nouvelle Psyché, en trois actes (1850), qui eut un brillant succès, une grande cantate intitulée ies Nations, a l'opéra (1851); Le Farfadet, en un acte, à l'Opéra-Comique (1852); ia Poupée de Nuremberg , joli opéra bouffon en un acte , au Théâtre-Lyrique (1852) ;
Si fêtais Roi , en trois actes , au même théâtre (1852); Orfa, ballet en deux actes, à l'Opéra (1852); Le Sourd, à l'Opéra-Comique; La Fa- ridondaine , en un acte, avec M. de Groote, au théâtre de la Porte-Saint-Martin (1853) ; et enfin Le Roi des Halles, opéra-comique en trois actes, au Théâtre-Lyrique (1853); Le Muletier de Tolède, en trois actes ; ^4 Clichy , en un acte, au Théâtre-Lyrique (1854) ; Le Houzard de Ber- chiny, en deux actes, à l'Opéra-Comique ; (1855); Le Corsaire, ballet en trois actes, à l'Opéra; Falstaff, en un acle , au Théâtre-Lyrique (1856); Mani'zelle Geneviève , en deux actes, au même théâtre (1853); Les Pantins de violette, en un acte, aux Bouffes-Parisiens (1856). Plusieurs messes solennelles, composées par Adam, ont été exécutées à diverses époques dans les églises de Paris : on y trouve quelques bonnes choses qui seraient bien placées ailleurs que dans la musi- que d'église. Homme aimable et spirituel, Adam s'est fait beaucoup d'amis , qu'il a su conserver, même en prenant la position dangereuse d'écri- vain dans les journaux , parce que sa critique était en général polie et bienveillante. Décoré de la croix de la Légion d'honneur en 1836, il fut ensuite élevé au grade d'officier de cet ordre. Il obtint en 1844 les suffrages de l'Académie des beaux-arts de l'Institut, pour succéder à Berton dans la section de musique. Cependant il n'é- tait pas heureux: plusieurs causes contribuaient à jeter delà tristesse dans son âme. Il ne se dis- simulait pas que les succès mêmes qu'il obtenait au théâtre n'étaient qu'éphémères, parce qu'im- provisés à l'aide de l'expérience plutôt qu'inspirés, il leur manquait la distinction , la nouveauté des idées, et parce qu'ils ne rachetaient pas l'absence de l'imagination par les qualités du style et de la facture. Il sentait bien que quelques bons mor- ceaux produits de loin en loin, et devenus plus rares à mesure qu'il avançait dans la carrière , n'étaient pas assez pour la renommée du nm- sicien qui avait écrit cinquante trois ouvrages dramatiques et une multitude d'autres produc- tions avant l'âge de cinquante-trois ans. Cepen- dant cette improvisation malheureuse , qu'il aurait voulu contenir, lui était imposée par la nécessité de satisfaire à des obligations où sou honneur était engagé. En dépit de sa prodigieuse facihté, le travail le tuait, sans bénéfice pour son bien-être comme sans résultat pour sa gloire ; mais la nécessité l'arrachait de sa couche dès le matin et ne l'y laissait rentrer que bien avant dans la nuit , sans lui avoir laissé goûter l'ap- parence des jouissances que donne l'art quand on le cultive pour lui-même. Qui sait si ce far- deau n'a pas été la cause de sa mort inopinée?
ADAM — ADAMI DA BOLSENA
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Il paraissait calme , rien n'annonçait qu'il fût souffrant : il avait assisté au début d'une canta- trice à l'Opéra. A dix heures, il se retira, rentra chez lui , et le lendemain malin, 3 mai 1856, on le trouva mort dans son lit. Après son décès, on a Imprimé des notes qu'il avait jetées à la hâte sur sa vie, et, pour compléter le volume, on y a ajouté un ctioix d'articles qu'il avait publiés dans les journaux sur la musique. Ce volume a pour titre : Souvenirs d'un musicien. Paris, Michel Lévy Irères, 1857, in-12 de 266 pages.
ADAM (Charles - Frédéiuc) , organiste à Fisclibach près de Biscliosswerda , est né en 1770 àZadel, près de Meissen. On a de lui : 1° Six pièces d'orgue, Meissen (sans date). 2" Chants pour quatre voix d'hommes {ibid.). 3'^ Douze danses pour le piano ; Leipsick , Breitkopf et Hœrtel. 4° Six chants à quatre voix, op. 4, ibid.
ADAM (Jean-Théopuile), musicien de cham- bre à la cour de Dresde, est né le 1'"'^ juillet 1792 à Taubenheim, près de Meissen. 11 s'est fait connaître par les ouvrages dont les titres sui- vent. 1° Dix variations pour le piano, sur l'air allemand : Liebes Maedchen ; Meissen , Gôd- sche. — 2" Der lusfige Klavierspieler ( Recueil de quarante-huit pièces, consistant en diverses danses, dont quelques-unes à quatre mains, et douze variations ) ; ibid. — 3° Six pièces faci- les fuguées pour l'orgue; ibid. — 4° Kurzeund leichte Gesxnge zum Gcbrauche beim Gottes- dienste und bel Sing umgxngen (Chants courts et faciles pour l'usage des dimanches , etc., à quatre voix; ibid. — b° La Cloche, de Schiller, avec accompagnement de piano , ibid.
ADAM(Je.vn-George), organiste à Meissen, vers 1820, s'est fait connaître par quelques com- positions estimables, parmi lesquelles on remar- que : Des préludes fugues et faciles pour l'orgue, Meissen, Godsche. — Douze variations et une fu- gue pour l'orgue, sur le thème : Den Konig segne Gott, op. 8 ; Leipsick, Hofmeister. — Six petites lugues pour l'orgue , op. 9 ; Lepsick , Breitkopf et Harlel. — Suites de chants pour voix seule avec ace. de piano ; Meissen , Godsche. Adam a publié aussi des thèmes variés , des danses et d'autres bagatelles pour le piano.
ADAM (C. Ferdinand), est né en Saxe vers 1810, étalait vraisemblablement ses études mu- sicales à Dresde , où il s'est fixé comme profes- seur de piano et de chant. 11 y dirige aussi une société de chœurs d'hommes, qu'on désigne en Al- lemagne sous le nomdeXieder^fl/eZ. Une grande fête de chant en chœur donnée les 25 et 26 aofit 1847, ayant réuni les sociétés deColditz, Grimma, Gerinyswalde, Heinichen, Mitweida , Rochlitz , Waldheim et Leisnig, dans cette dernière petite
BIOGR. liNlV. DES MUSICIENS. — T. 1.
ville, au nombre de 300 chanteurs, la direc- tion de cette masse chorale lutconliee à M. Adam. Cet artiste fut signalé comme un jeune homme de talent dans le n" 14 de la Gazette générale de Musique de Leipsick, en 1829, à l'occasion d'un recueil de 12 danses caractéristiques pour le piano, qu'il venait de publier. Plus tard il a pu- blié des variations brillantes pour le même instru- ment ; mais c'est surtout comme compositeur de chants à quatre voix qu'il s'est fuit connaitre avan- tageusement : on cite particulièrement avec éloge .ses ou vrages suivants en ce genre : l°Six lieder pour soprano, contralto, ténor et basse , op. 4 ; Dresde, Botter, — T Gedichte eines Lebendigen (Poé- sies d'un vivant) pour chœur d'hommes , op. 6 ; ibid. —3° Six chants pour quatre voix d'hommes ; Leipsick, Breitkopf et Haertel.
ADAM (Josei'u-Aucuste), directeur de mu- sique militaire et compositeur, est né à Vienne, le 22 avril 1817, et a toujours continué de résider dans cette ville. Son père était un fabricant de produits chimiques. Après avoir éludiéle violon sous la direction de Joseph Techlinger, l'harmo- nie et la composition chez Joachim Hoffmann , il fut nommé en 1846 chef de musique de la garde bourgeoise de Vienne , et deux ans plus tard il eut le même titre dans la garde nationale. Sa musique d'harmonie militaire , au nombre d'environ 60 œuvres, a beaucoup de succès eu Autriche , particulièrement à Vienne.
ADAMBERGER (Josepu), connu aussi sous le nom haiika Adamonti , naquit à Munich le 6 juillet J.743. 11 reçut une place gratuite au séminaire de celte ville, et y étudia les sciences et la musique. En 1755 Valesi se chargea de lui donner des leçons de chant; après avoir passé six ans auprès de cet habile maitre , il fut placé, à sa recommandation , comme premier ténor au théâtre de San-Benedetto , à Venise, en 1762. Il y obtint tant de succès qu'il fut appelé dans plu- sieurs autres villes d'Italie. Ce lut alors qu'il changea son nom d'Adambergerconlre celui d'.4- damonti. En 1775, Valesi fut appelé à Vienne pour y chanter à l'Opéra italien ; mais, la cour de Bavière n'ayant point voulu lui accorderde congé, il envoya Adamberger à sa place. La qualité de sa voix et son talent de chanteur plurent si bien aux habitants de Vienne qu'il obtint un engage- ment fixe. Cet habile arti.ste mourut à Vienne , le 7 juin 1803, à l'âge de soixante ans.
ADAMEll. On a gravé sous ce nom douze menuets pour le piano, à Vienne, chez Mollo.
ADAMI DA BOLSEi\A (Andréa), mai- tre de la chapelle ponlilicale et de l'Académie des Arcades de Rome, où il était désigné sous le nom de Carielo Piseo , naquit à Rome au mois d'oc-
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ADAMI DA BOSLENA — ADAMI
tobre 1663. 11 fut d'abord au service du cardinal Ottoboni , qu'il quitta pour ta place de maître de chapelle du pape. Il mourut le 22 juillet 1742, dans la soixante-dix-'neuvième année de son ftge. On a de lui : Osservazinni per ben regolare il coro dei cantori délia cappella poriteftcia tanto nelle funzioni ordinarie che slraordi- Marie;Roma, per Antonio de Rossi, 1711, in- 4". On y trouve les biographies et les portraits de douze maîtres de la chapelle pontilicale. Cet ou- vrage est très-rare.
ADAMI ( Ernest-Daniel) , né à Zduny , dans le grand-duché de Posen, le 19 novembre 1716, reçut les premières leçons de musiqoe d'Abra- ham Lungnerj ensuite il forma sou talent sous la direction du chantre Contenius pour le chant, de Frendel pour le piano, et de l'organiste Zac- chau pour la composition. Adami, destiné par son père à être un artisan , mais passionnément entraîné vers l'étode des lettres et des arts, fut redevable aux sollicitations de Gunther de la permission qu'il obtint enfin de se rendre au gymnase de Thorn. Là il eut une place de cho- riste , dont les émoluments lui facilitèrent les moyens d'achever ses études. Lorsqu'il eut atteint l'âge de dix-neuf ans , one place de corecteur hii fut offerte à Strasbourg, et il l'accepta.
Le comte Dobna Wartenberg Leislenaii , à qui il avait été recommandé, le chargea peu de temps après de l'éducation de son ffls. En 1736 il partit avec son élève pour Kœnigsberg , et visita l'uni- versité ; ensuite il vécut dans la maison do profes* seur Gunther, et se lia d'amitié avec Thomson. En 1738 il quitta liœnigsberg, et se rendit à Kaunitz, oii on lui offrait une place de corecteur. Il s'était déjà mis en route pour s'y rendre, lorsque tout à coup il changea d'avis, et se rendit à Jena pour y terminer ses études Ihéoiogiques. Il y suivit les cours de Reuschner, Racheuberger, de Ham- berger et de Stock. Deux ans après on Péleva au grade de maître es arts, et l'année suivanle il retourna dans sa ville natale pour s'y exercer à la prédication. En 1/43 il fut nommé corec- teur et directeur de musique à l'école latine de Landshut. 11 occupa ce poste jusqu'en 1"'57, où il l'abandonna pour celui de pasteur de Sorge et de Kœnincben , dans la Prusse méridionale. De- venu pasteur de Felckue en 1 760, il se démit vo- lontairement dfr sa place en 1763, et fut en dernier lieu appelé comme pasteur à Pommerwitz, près de Neustadt, dans la haute Silésie , où il mourut le 19 juin 1795. Forkel dit {Allgem. Lifter, der Musik,^. 147) qu'Adami mourut à Landshut en 1758 : il a été induit en erreur sur ce point; mais Liciitenthal est tombé dans ime inadver- tance bien plus singulière à l'égard de cet écrivain,
car, au tome troisième de sa bibliographie de la musique (p. 199), il le fait mourir à l'époque indiquée par Forkel , et au quatrième volume du même ouvrage (p. 30), il indique la date véritable de son décès.
Adami s'est fait connaître dans le monde mu- sical par deux ouvrages qui ne manquent point d'intérêt. Le premier a pour titre : Verniluflige ■ Gedanken iibcr den drei/fachen Widerschall vom Etngange des AderOachischcn Steinwal- des im Kœnigreich Bœhmen ( Réflexions sur le triple écho d'Aderbach , à l'entrée de la forêt de Stein, dans le royaume de Boliême); Liegniiz, l750,in-4°. Le deuxième est intitulé : Philoso- phisch musikalische Abhandlung von dem gôlt- lichschoeneder Gesangsweise in geistl. Liedern bei ô/f en (lichen Golf esdienst (Dhserlation phi- tosophico-musicaJe sur les beautés sublimes du chant dans les cantiques du service divin); Leip- sick , 175.'), in 8°. On a aussi d' Adami une can- tate publiée en 1745, une autre en 1746, et il a laissé en manuscrit quatorze cantates de noces, se|)t cantates pour diverses circonstances et six cantates religieuses.
ADAMI ( ANToiNE-PnfLirf-E), littérateur, naquit à Florence, d'une famille noble, vers 1720, entra dans la carrière militaire, et cultiva les let- tres et la philosophie, tin récompense de ses ser- vices et de son mérite , le grand-duc de Toscane le nomma chevalier de Saint-Etienne. Une mort préiualurée l'enleva à sa famille et à ses amis à la fin de l'année 1761. Il s'est fait connaître par divers ouvrages d'histoire, de philosophie et de litléralure. Il n'est cité ici que poar un volume intitule : Poésie , con una Dissertazione sopra la Poesia dranunalica et mimica del teatro ; Florence, 1755, in-8°. Il traite dans cette disserta- tion de la musique théâtrale.
ADAMI (ViNATJEti), maître de clarinette, né vraisemblablement dans le Piémont, a fait im- primer une méthode pour son instrument, à Tu- rin , chez les frères Reycend. Je suis tenté de croire que le nom de famille de ce musicien est Vinatier , et qu^Adami n'est que le prénom. Je le cite d'après la bibliogiaphie de Lichtenlhal (t. IV, p. 178).
ADAMI (Henri-Joseph) , rédacteur de la partie musicale dans la Gazette des théâtres de Vienne, est né dans cette ville le 16 décembre 1807. Après avoir fait ses études dans les collèges et à l'université de Vienne, il fut destiné à la pî'ofession d'avocat; mais son goût exclusif pour la poésie (fnimatique le détourna de cette car- rière. 11 publia dans les journaux et dans les al- manachs poéliq.ics un nombre considérable de petites pièces, écrivit des livrets d'opéra, et
ADAMI — ADDISSON
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surtout un grand nombre d'<nrticles de critique musicale dans la Gazette des Théâtres de Vienne (Tkeaier Zcitung), iiisqu'en 1847, puis dans la Gazette de Vienne, dans La Presse (Die Presse), en 1848, et enfin dans le Ostdeutsche Post , en 1850. La critique de ce littérateur a peu de profondeur, et l'on voit que ses connaissances techniques sont insuffisantes pour la tàclie qu'il accomplit.
ADASIS (Thomas), né en 1783, éludia la musique sous le docteur Busby, jusqu'à l'âge de onze ans. En 1802 , il fut nommé organiste de la chapelle de Lambeth, à Carlisle, et conserva cette place jusqu'en 1814. 11 fut alors choisi , parmi vingt-huit autres candidats, pour être organiste de Saint-I'aul à Deptford , où il se trouvait en- core en 1824. Depuis lors il s'est fixé à Londres. T. Adams a dirigé les séances musicales annuelles de VApoltonicon, depuis leur commencement, et y a fait des lectures sur divers sujets relatifs à la musique. Les principales compositions de cet ar- tiste sont : 1" Six fantaisies, publiées en 1812. — L'air Scots ivho hoe ivith Wailace bled, avec des variations pour l'orgue (Mayhew). — 2° Adeste fidèles, avec variations. — 3°^ rose tree infull
bearing, avec variations 4° QuanCèpiù bella,
de Paisiello , avec variations (ces trois dernières pièces chez Clementi). — 5° Deh prendi, et My jo Janet, l'un et l'autre avec variations. — c° Six fugucspour rorgue(Clcmenli). — 7° Trois fantai- sies pour l'orgue (Hodsol! ). — Six grandes pièces pour l'orgue ; Londres, Clementi.
ADAMS (Abraham), organistedc Sainte-Ma- ry-le-Bone, à Londres, vers 1810, est auteur d'un ouvrage qui a pour titre : PsalmisCs ncw co7npa- nion, etc. ( Le Nouveau compagnion du psalmiste, contenant une introduction aux principes de la musique, par nne méthode facile et familière, suivie de 41 chants de psaumes, et 25 antiennes, auxquels on a ajouté un hymne funèbre; le tout composé à trois et quatre voix, suivant les règles les plus authentiques) ; Londres, in-4'' (sans date).
ADAIV (Don Vincent) , musicien de la cha- pelle du roi d'Espagne, dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, vécut à Madrid, et y lut professeur de chant et de composition. 11 est au- teur d'un livre qui a pour titre : Dociimentos para instruccion de Musicos , y aficionados , que intentan saber el arte de la cotnposicion. En esta obra se traita de los contrapontos sobre bajo hasta siete , sobre tiple hasta siete, y suello hasta ocho, y dos exemptas à doce voces, todos en fuga unas contro otras. Varios soles y duos; pensamientos a très, y a quatro. varios pasos y contrapasos, y el modo de en- trarlos, Varios canones y tocados. Exiencion
. de los instrumcntos. Posturas del violin per todos los tonos y formaciondecllos, con otrus cosas muy utiles (Documents pour l'instruction des musiciens et des amateurs qui veulent savoir l'art de la composition. Dans cet ouvrage, on traite du contre-point sur une basse jusqu'à sept parties, sur le chant jusqu'au même nombre de voix, et du contre-point libre jusqu'à huit, avec des exemples à douze voix, lesquelles fuguent entre elles; divers solos et duos; des fantaisies à trois et à quatre différents sujets et contre-sujets, avec la manière d'y répondre ; diverses espèces de ca- nons et d'imitations; l'étendue des instruments; | les positions du violon pour tous les tons, etc .) ; Madrid, Joseph Otero, 1786, in-fol. de 16 pages de texte et 75 d'exemples notés. Voilà bien des choses pour un si petit volume; mais l'auteur n'a pas cherché à y exposer une doctrine. Son texte ne contient que de courtes questions et des ré- ponses non moins brèves sur les diverses parties de l'art décrire en musique, et les exemples ont peu de développements : en un mot, l'ouvrage n'est qu'une méthode d'enseignement empirique. ADAÎV DE JOUVEI\CY, trouvère fran- çais du treizième siècle.
ADCOCK (Jacques) , maître de musique du collège du roi à Cambridge, naquit en l778 à Eton, dans le duché de Buckingham. En 178Cil fut admis comme choriste de la chapelle Saint-George à Windsor, et entra au collège d'Eton, où il reçut son éducation musicale sous le D"" Ayhvard et M. Sexton. En 1797 il fut élu un des clercs laï- ques de la chapelle de Saint-George , et en 1799 il reçut sa nomination à la même place au col- lège d'Eton. Il quitta ces deux emplois lorsqu'il fut nommé clerc laïque du roi à la Trinité et au collège de Saint-Jean à Cambridge. Les princi- pales compositions d'Adcock sont des glees, sa- voir : trois glees dédiées à sir Patrick-Blake (Birchall); Hark how the bées, glee à quatre voix (Preston); Welcome Mirth, k trois voix (Goulding), etc., etc. Adcock a publié des prin- cipes de chant avec trente soZ/eg'g'i pour l'instruc- tion des personnes qui veulent chanter à pre- mière vue.
ADDISSOiM (Jean), fils d'un mécanicien fort habile , est né en Angleterre vers la fin du dix-huitième siècle. Il débuta dans la carrière musicale comme contrebasse au théâtre de Li- verpool. Quelque temps auparavant il avait épousé miss Willems , nièce du célèbre Rei- nolds, qui fut engagée comme cantatrice au théâ- tre de Dublin , où Addisson la suivit. Deux ans après , mistriess Addisson débuta au théâtre de Covent-Garden , ce qui donna occasion à son mari de s% fixer à Londres. Cependant il ne tarda
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ADDISSON — ADHÉMAR
point à quitter cette ville pour se rendre à Batli, puis à Dublin , et enfin à Manchester, où il établit une filature. Malheureusement ses spéculations ne réussirent point, et il fut obligé de quitter son établissement avec perte. Il revint alors à Lon- dres, où il entra comme conirebasse au théâtre italien. Peu de temps après Arnold ouvrit le théâtre appelé Le Lycée, et Addissoil fut engagé pour composer la musique de quelques petits opé- ras, tels que My Uncle, Mij Aunt , Tvm Words , ou Silent not Dumb, Free and Easy , etc. Il a écrit aussi pour le théâtre de Covenl-Garden la musique de Robinet the Bandit, et arrangé celle de Boieldieu sur le drame de Rose d'A- mour, traduction du Chaperon Rouge. Outre cela il a publié des airs, duos, glees, etc., et s'est livré à l'enseignement du chant.
ADELBOLD, évéque d'Utrecht, né vers la fin du dixième siècle , d'une famille noble du pays de Liège , étudia dans cette ville et à Reims : il devint l'un des plus savants hommes de son temps. Sa réputation s'étant répandue en Allemagne, l'empereur Henri II l'attira à sa cour, laduut dans son conseil, le nomma son chance- lier, et lui fit obtenir l'évèché d'Utrecht. Tant de succès, loin de satisfaire l'ambition d'Adelbold , ne fit que l'augmenter. Il fit longtemps la guerre à Dideric , comte de Hollande, et ravagea ses États, parce que le comte avait refusé de lui cé- der l'île de Merwe , située entre la Meuse et le Wahal. Forcé de faire enfin la parx , il cultiva les sciences , fonda des églises , et ne cessa de travailler à la prospérité de son diocèse jusqu'à sa mort, arrivée le 27 novembre 1027. Au nom- bre de ses' ouvrages se trouve un traité intitulé De Musica, que l'abbé Gerbert a inséré dans sa collection des Scriptores eccle.siast. de mu- sica sacra, etc., t. I, p. 303. Le style d'Adel- bold est plus élégant que celui des écrivains de son siècle ; mais son ouvrage est de peu d'in- térêt.
ADELGASSER (Antoine Cajetan), né à Lucerne, en Suisse, le 3 avril 1728, fil ses études musicales sous la direction d'Éberlin, maître de chapelle à Salzhourg. Plus tard il devint orga- niste et claveciniste de cette cour. Dès 1757 il s'é- tait acquis la réputation d'un bon organiste et d'un accompagnateur habile sur le piano. Devenu pre- mier organiste de la cathédrale et de la cour, il en remplit les fonctions jusqu'à sa mort, qui eut lieu le 23 décembre 1777. Ses compositions lui avaient fait aussi beaucoup d'honneur, quoiqu'on lui reprochât d'imiter trop le style d'Éberlin son maître. Adeigasser n'a rien fait imprimer, mais il a laissé dans les archives de la chapelle de S^lzbourg plusieurs compositions importantes
pour l'église , particulièrement des messes avec orchestre.
ADEL1IVE(M"«). Voy. RIGGIERI ( Ade- line).
ADEIVEZ, trouvère et ménestrel, connu aussi sous lenomd'^rfflmZe/?oJ, parce qu'il était roi des ménestrels français, vécut dans le treizième siècle, et fut attaché au service de Henri III, duc de Bra- bant (qui mourut en 1260). Adenez jouait de la viole, car il est représenté tenant cet instrument, dans une miniature du manuscrit du roman de Bertlie aux Grands Pieds, qui est à la Biblio- thèque impériale, à Paris ( Supplém. du fonds du roi , n» 428). On a aussi de lui les romans de Guillaume d'Orange ou Guillaume au Cozirt Nez, de V Enfance d'Ogier le Danois, de Cléo- madès, et à'Aymeri de Narbonne. Adenez, dans un de ses fabliaux, nous apprend que ce fut le duc Henri 111 qui lui fit apprendre son art :
Ce livre de Cléomadés, Rimay-je li roi Adenez, Ménestrel au bon duc Henri Fui. Cil maleva et norri Et me fist mon mestier apprendre, Dieu l'en veille guerdon rendre Avec ses ame en paradis.
ADHÉMAR (Guillaume), troubadour el jongleur du treizième siècle, était fils d'un pauvre gentilhomme de Marveil ou Marvéjols, dans le Gévaudan. Sans fortune et hors d'état de soute- nir l'état de chevalier, Adhémar se livra à la poé- sie, à la musique, et composa des chan.sons d'a- mour qu'il allait chanter dans les châteaux. S'il fut aimé , il fut aussi vrai.semblablement trahi, car parmi ses chansons il en est de satiriques dans lesquelles il se plaint de l'inconstance des femmes, et qui ne donnent pas une haute opinion de leur chasteté à l'époque où il vécut. On croit que Guillaume Adhémar passa quelque temps à la cour de Ferdinand III, roi de Castille, et que, dégoûté du monde , il entra dans l'ordre mo- nastique de Grammont. On trouve parmi les ma- nuscrits de Sainte-Palaye, à la bibliothèque de l'Arsenal de Paris, dix-huit chansons de ce trou- badour.
ADHÉMAR ( Le comte Abel d' ) , amateur de musique et compositeur pour le chant , est né d'une ancienne famille à Paris, vers I8i2. En 1836 il commença à faire connaître son nom par des romances qui obtinrent du succès. Son goût le portait vers les sujets dramatiques pour ces petites pièces, et la plupart de ses premières productions sont un indice de son penchant à cet égard ; en voici les titres : Le Bravo, Le Brigand calabrais. Le Catéran, L'Esclave chrétien, Le Forban, Le Kabyle, Le Lazzarone, Malheur à
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toi. Le Torréador, etc.; pliistard M.d'Adliémar a pris un style plus doux dans Thérèse la blonde, La Femmequej'aime,Jenelesuivrai pas, Pâque- rette, Le Doux Nom de Marie , Tout un jour sans te voir, Les Yeux disent le Cœur,eX beau- coup d'aiitres. Connme la plupart des compositeurs de romances, M. d'Adliéraar a eu son moment de vogue, auquel d'autres noms ont succédé. Il est mort à Paris en ISôl.
ADLER (Georges), professeur de musique à Bude ( Ofen) , capitale de la Hongrie , est né dans cette ville vers 1806, et y occupe la place de di- recteur du cliœur de l'église principale. Égale- ment habile sur le violon et sur le piano , M. Adler be livre à l'enseignement de ces deux instruments, et a publié des compositions pour l'un et pour l'autre. On connaît de lui : 1° Thème hongrois, varié pour le violon avec ace. de deux violons, altoet basse, op. 1; Vienne, Haslinger. — 2" 1" Po- lonaise pour le violon avec quatuor d'accompagne- ment, op. 6.;ibid. — 3» Sonate pour piano et violon, op. 3.;ibid. — 4° Sonate pour pianoà quatre mains (enmi bémol), op. 27.; Vienne; Diabelli. — 5° Va- riations pour piano seul, op. 2; Vienne, Haslin- ger. — 0° Thème varié (en si bémol), op. 4.; ibid. — 7" La Chasse, rondeau brillant sur un thème de Cenerentola, op. 7° ; ibid. — 8°. Thème original varié, op. 8. ibid. — 9° Allegro, andante et roi.deau brillant, op. 18.; ibid. — 10° Souvenir, rondem brillant (en mi bémol); Pesth, Grimm et C'e. — 11° Libéra me, Domine, pour quatre voix et or- gue, op. 1 1; Vienne, Haslinger. — 12° Deux prières à quatre voix, petit orchestre et orgue ; Augsbourg, Bôhm. — 13° Chants à quatre voix d'homme, op. 12.; Vienne, Haslinger.— 14° trois chants pour qua- tre voix d'hommes, op. 13; Vienne, Diabelli. — 15o Cantate pour une et plusieurs voix, avec piano, op. 15; Vienne, Haslinger. — 16» VEsprit de V Harmonie, chant a voix seule avec piano ;i6îd. — 17° quatre lieder, idem , op. 10; ibid.
ADLUIXG (Jacques) , membre de l'académie d'Erfurt, professeur au gymnase, organiste de l'église luthérienne, et constructeur de clave- cins, naquit le 14 janvier 1699, à Brindersieben, petit village près d'Erfurt. Il commença ses étu- des à l'école de Saint-André de cette ville, et y resta depuis 1711 jusqu'en 1713, époque oùil passa au gymnase sénatorial , qu'il fréquenta Jusqu'en 1721. En 1723 il alla à l'université deléna, où il prit le grade de professeur, après avoir soutenu une thèse De obligationis verx naturai ac usa. Ses études musicales .se firent sous la direction de Chrétien Reichart, organiste à Erfurt. Au mois de janvier 1728 il succéda à Buttstedt comme or- ganiste à l'école luthérienne, place qu'il occupa jusqu'à sa mort, arrivée le 5 janvier 1762. 11 a
formé un grand nombre d'élèves pour le clavecin et pour les langues anciennes. H a publié les ouvrages suivants : Anleitung zu der musi- kalïschen Gelahrtheit theils fur aile Ge- lehrte, so das Band aller Wissenschaflen einsehen; theils fur die Liebhaber der edlen Tonkunst uberhaupt ; theils und son- derlich fur die, so das Clavier, vorzûglich lieben; theils fur die Orgel und Instrument- macher (Introd. à la science musicale, etc.); Erfurt, 1758, in-8°. C'est un livre intéressant, plein de recherches savantes, et qui prouve qu'Adlung avait de la méthode et l'esprit philo- sophique; mais le style en est lourd. Jean-Ernest Bach y a joint une préface. Le maître de chapelle Hiller en a donné une seconde édition à Leipsick,
en 1783, avec quelques augmentations 2° Mu-
sica mechanica organœdi , das ist, Grund- iicher Vnterricht von der Struktur, Ge- braïich und Erhaltnng , etc., der Orgeln, Clavicymbel, Clavicordien und anderer Ins- trumente ,insofern eineni Organisten vonsol- chen Sachen etwas zu ivissen nôthig ist,e,\.c., mit einigen Anmerkungen und einer Vorrede verschen, und ziim Druck befôrdert von M. Joh. Lorenz Albrecht, etc.; Berlin, 1768, in-4° (Introduction à la construction , l'usage et la conservation des orgues , clavecins , clavicordes et autres instruments, etc.; avec quelques re- marques et une préface, par J.-C. Albrecht). Cet ouvrage, ainsi que le suivant, a été publié après la mort de l'auteur. On trouve dans la première préface de celui-ci la vie d'Adlung écrite par lui-même. — 3° Musikalisches Siebengestirn, das ist : sieben zur edlen Tonkunst gehôrige Fragen, aufer haltenen Befehlder Churfiirstl, Mainzischen Akad. nûtzlicher Wissenschaften in Erfurt, anfxnglich in lateinischer Sprache beantworlet, nachgehends aber ins Deutsch ûbersetzt; Berlin, 1768, in-4°, quatre feuilles et demie ( Les sept étoiles musicales, ou sept ques- tions relatives à la noble musique , etc.). Adlung choisit ce titre singulier pour des réponses à sept questions qu'on lui avait faites sur les intervalles, et particulièrement sur la nature de la quarte. Cet ouvrage, comme on le voit par le titre, fut d'abord écrit en latin, et traduit ensuite en allemand. Adlung avait aussi écrit: i" Anweisung zum General-Bass (Instruction surla basse con- tinue). — 2° Anweisung zum italixnischen Ta- bulatur (Instruction sur la Tablature italienne). — 3° Anv)eisung zum Fantasie und Fuge (Ins- truction sur la fantaisie et la fugue) ; mais ces ouvrages ont été perdus dans un incendie qui en» leva à l'auteur une partie de sa fortune. ADOLFATl (ANDKÉ). élève de Balthasar
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ADOLFATI — ADORNO
Galuppi, naquit à Venise en 1711. Après avoir achevé ses études musicales, il fut pendant plu- sieurs années maître de chapelle à l'église Santa- Maria délie Sainte, dans sa ville natale ; puis il écrivit des opéras dans plusieurs grandes villes de l'Italie, et finit par se fixer à Gênes, où il obtint la place de maître de chapelle de l'église «le V Annonciation. On connaît aujourd'hui peu d'ouvrages de ce compositeur. En 1742 il a donné à Rome VArtaserse ; à Gênes, Ariane , en 1750; dans la même ville Adrlano in Sirïa, en 1751; et en 1752, La Gloria ed il piacere. La Biblio- thèque impériale, à Paris, possède en manuscrit un Nisi Dominns, à voix seule, et nn Laudate pueri, à quatre voix, de la composition de ce mu- sicien. Dans la collection de l'abbé Santini , à Rome, on trouve aussi le psaume Domine, ne in ./'«rore, traduit en italien et mis en musique à quatre voix avec des violons et des cors, par Adol- f.ili ; enfin on a publié sous son nom : Sei sonate a tre, cinque e sei, opéra P, Amsterdam. Ce compositeur fit à Gênes l'essai de la mesure à cinq temps dans un air de son opéra A'' Ariane. On a dit qu'il avait élé précédé dans cet essai par Marcello, quoiqu'on n'ait pas cité l'ouvrage de l'auteur des Psaumes où la mesure à cinq temps est employée; mais il est certain que d'anciens airs populaires d'Espagne , d'Allemagne et du Nord sont dans cette mesure. Il est possible qu'A- dolfati en ait eu connaissance.
ADORIN'O (Jean-Népomucùne), né au Mexique vers 1815, s'est fait connaître à l'Exposition uni- verselle de l'industrie, à Paris, en 1855, par di- verses inventions ingénieuses, au nombre des- quelles on remarquait un système complet de musique, dont toutes les parties sont intimement liées, et pour lequel M. Adorno a fait exécuter sous sa direction plusieurs instruments de dé- monstration. Il a fait imprimer l'exposé de son système dans un petit ouvrage qui a pour titre : Mélographie,ou Nouvelle Notation musicale; Paris, Firmin Didot frères, 1855, in-4'' de 39 pages , avec une planche. Celte brochure n'est en quelque sorte que le prolégomène d'un ouvrage philosophique très-étendu auquel M. Adorno a travaillé pendant plusieurs années, et dont il an- nonce la publication. Considéré au point de vue de la théorie, le système dont le petit ouvrage de M. Adorno renferme l'aperçu est basé sur «me idée déjà produite par Azais {voy. ce nom) et par d'autres, à savoir que les vibrations de l'air ne sont pas la cause productrice du son comme on le croit généralement , et que cette cause ré- side dans un fluide impondérable auquel l'auteur du système donne le nom A' harmonium. Ce fluide ne produit point une série de sons dans
les rapports absolus des géomètres, mais une échelle chromatique de douze demi-tons tem- pérés. M. Adorno prétend démontrer celte partie de son système par une construction géométrique dont le tableau graphique était à l'exposition, et par un polycorde formé sur le même modèle. Or cette échelle de douze demi-tons tempérés , donnés par la nature, est le critérium du système de notation et de musique pratique de M. Adorno; car c'est celle des instruments à claviers , parti- culièrement du piano. Prenant le clavier pour modèle de la portée destinée à la notation, il con- sidère les cinq touches noires comme la repré- sentant de cette manière :
1'"= octave. 2™" octave. 3"^ octave.
etc.
11 résulte de là que la portée est verticale au lieu d'être horizontale, et que les signes de la notation ont la même direction. M. Adorno con- serve les formes de la notation ordinaire. Les espaces doubles contiennent les notes mi, fa, et si, ut; les espaces simples renferment les notes ré, sol, la. Les notes placées sur les lignes sont les dièses et les bémols. Quant aux valeurs de temps, rondes, blanches, noires, etc., et aux signes de silence , ce sont les mêmes que ceux de la notation en usage. La transposition s'opère, dans le système de M. Adorno, par un moyen très- simple : il consiste en un pupitre sur lequel des fils noirs sont tendus verticalement dans les mêmes dispositions qu'on vient de voir : la musique écrite se place sous ces fils, et suivant qu'on l'avance à droite, ou la recule à gauche, la transposition est faite, parce que la position des notes est déterminée parles fils du pupitre qui représentent les parties de six octaves disposées précisément comme le clavier du piano placé au-dessous de ce même pu- pitre. Par une autre conséquence de son système, M. Adorno a imaginé un piano mélographe dont le mécanisme imprime la musique sur un papier disposé suivant sa méthode de notation; en sorte qu'après l'exécution d'un morceau improvisé , it n'y aurait qu'à retirer le papier du cylindre où il est enroulé, et à le placer sur le pupitre, sans faire d'opération de traduction, pour jouer im- médiatement le morceau et pour le transposer à volonté , à l'aide du pupitre. Le piano mélographe n'était pas à l'exposition universelle de Paris; le modèle du mécanisme seul a été mis sous les yeux du Jury : M. Adorno le faisait exécuter alors dans les ateliers du célèbre facteur de rianos Erard : il ne paraît pas que, jusqu'au moment où cette notice est écrite, le succès ait répondu aux vues de l'inventeur.
ADRASTE
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ADRASTE, philosophe péripat(^ticien , né à Phiiippes, ville de Macédoine, fut disciple d'A- ristote, et vécut conséquemment au temps d'A- lexandre, entre la lOô"^ et la 115" olympiade. On sait qu'il a écrit un traité de musique en trois livres, que Porphyre et Tliéon de Smyrne ont cité, Ger. J. Vossius {De Scient. Mathem., c. 5S,§ 14), et Fabricius , d'après le témoignage de Scipion Telhis [Dibliot. Grscc, M. III, c. 10) ont écrit qu'il en existe un manuscrit au Vatican, et une autre copie dans la bibliotlicque du cardinal Saint- Ange, d'où elle a passé depuis dans celle du cardinal Farnèse, son frère. Forkel, d'après les journaux littéraires de 1788, annonça dans son Almanach musical, publié l'année suivante, la découverte que I\I. Pascal Baffi venait da faire du traité d'Adraste dans la bibliothèque du roi de Naples, dont il était le conservateur. C« biblio- thécaire venait de faire connaître son intention d'en publier le texte grec avec une version latine. Il est assez singulier que M. Baifi ait donné comme une chose nouvelle la découverte de ce manus- crit, qui n'était autre que celui dont Vossius et Fabricius avaient déjà révélé l'existence; car la bibliothèque du cardinal Farnèse avait passé en la possession du roi de Naples, qui l'avait rendue publique. Le titre de l'ouvrage était celui-ci : ASpaaTou T«Ù7r£pt7taTv)TixoîJàp!i.ovtxwv BtêXiaxpîx. On s'est souvent étonné, dans le monde litté- raire, que la publication annoncée par M". Baffi n'eût (las été léalisée; les savants éditeurs de la collection des manuscrits découverts à Hercula- num ont donné le mot de l'énigme dans une note qui accompagne un passage du traité sur la mu- siquedePhilodème(toy.cenoni), inséré au premier volume de cette collection. Ayant examiné le manuscrit dont il s'agit, ils ne tardèrent point à reconnaître que le traité de musique qu'il contient est le mOme qui est connu sous le nom de Ma-, nucl BrijPïine ; mais, ayant remarqué qu'il y est beaucoup parlé du genre enharmonique, qui, selon le témoignage de Photius, avait disparu de la musique grecque avant le septième siècle, et dont il n'a plus été question après que Bryenneeut écrit, ils commencèrent à douter que cet écrivain fût le véritable auteur de l'ouvrage qui porte son nom, et ils pensèrent qu'il appartenait réellement à Adraste. D'un autre côté, leur soupçon s'évanouit en considérant que dans les trois livres des Har- moniques il se trouve non-seulement des pas- sages assez longs empruntés à Théon de Smyrne, mais môme des chapitres entiers de cet auteur, que Bryenney a insérés, entre autres les chapi- tres II et VI, qui, dans l'édition publiée par Wallis, se trouvent pages 377 et 381 : d'où il est démontré que l'auteur du livre attribué à Adraste par le
manuscrit en qiiestion est postérieur non-seule- HKint à ce philosophe, mais aussi à l'époque bien plus récente de Théon de Smyrne. Enfin, eu égard au grand nombre de passages extraits d'A- draste, de Théon et de plusieurs autres auteurs dans le livre de Bryenne, les commentateurs dt; Philodème considèrent plutôt cet écrivain comme un copiste fidèle et conmie un compilateur exact, que comme un théoricien qui écrivait d'après son propre système (1).
Pour en revenir à Adraste, je rapporterai ici un fait assez remarquable cité dans son livre des Harmoniques, dont il n'est parvenu jusqu'à nous que des fragments : ce fait, nous le devons à Porphyre , qui l'a rapporté dans son commentaire sur le traité de musique de Ptolémée (p. 270, édit. Wallis.). Cet écrivain dit qu' Adraste a fait mention d'un phénomène observé de son temps, lequel consistait à faire résonner les cordes d'un instrument de musique, en pinçant celles d'un autre instrument [tlacé à une dislance assez grande; il résultait de ce mélange de sons, dit Adraste, un ensemble agréable. On ne pouvait
(i) La collection des manuscrits d'Hercnlanum publiés étant assez rare hors de l'Italie, et la note qui vient d'être citée n'étantpas sans importance, j'ai cru qu'il serait utile de la donner ici textuellement ; la voici : n .\n enliarmonium musica: genus, quod Pliolio teste sacculo jain VU dlspa- ruerat, uni Bryennio post tôt sseculoruni intervalium in- notuisse diceraus, rursus post ipsuni ex honiinuni raemoria delendum? Credat judxus Apella. Quiii vcro, quod nulla in eo cfiristianisnii nota adparet? Hisce sane de causis sus- picio ob orta nobis erat sub Breyennli nomine ipsiim Adrastum pcripateticura dclitcscere, prcut nostrx Far- nesianae Bibliolhtcae codex Ms. indicaverat. Is cnim Inter alla continet très JJarmonicorum libres, qui Bryennio vuigo adscribuntur, cum hoc titulo : AôpaaTOU toO îcep'.- îtaTïiTixoO dpfJ.ovtx.iov Bi6Xia xpîa. Atqueis est codex ille de quo sic Fabricius in sua bibliotheca . Jdrasti pe- ripatetici Harmonicoruin Hbritres, quos in bibliotheca cardiiialis a S. Jngelo , quas diinde/uit cardinalis Far- nesii fratris scrvatur tcstatus est Scipio Tellus Ncapoli- tanus indice Hbronimnondum edilormn, quem bibliothecse ilss. libroriim pag. \G7 inscruit jMbbxus. Nostro tamen suspicio illico evanuit, cum animadverlinuis in hosce Harinonicontni libros transfuses fuisse non modo satis lonsa Ailnisti loca a Tlieone Sniyrneo adiata, sed etiam Tlieonis ipsius intcgia fere capita , uti pra; reliquis cap. » et 6, qusE inserta leguntur apud Bryenniuin, pag. 377 et 581. Auctor igitur Harmonicorum non raodo est Adrasto, sed etiam Tlieone rccentior. Hppc autera idcirco adnotare non piguit, ut veteris littérature amatores, qualis sit iste codex a Fabricio, e Tello indicains, cognoscant, neve nostra incuria tantum x£i(xr/XtQV in Farnesianœ Biblio- thecae scriniis, quae hodie Augusti régis nostri munificientia publies usurae mancipatur, sita putrescere indolcscant. Ceterum quod ad Bryennium attinet, ei profecto très Harmonicorum Ubros adjudioare non dubitamus, etsi, pacifica longinqui temporis possessione deturbare religio sit, non intercedimus : dumuiodo is nobis concédât Bryennium quandoque testera, lanquam velerum, qui nobis desunt, rauslcae tractatorum fidelissimum exscrlp- torera producere. » (Herculan. volum., tom. 1. in c. a. Ci p. 9.)
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ADRASTE — ADRIEN
aller plus près de la science de l'Iiarmonie : il est singulier que les musiciens grecs n'aient point vu an delà. Chez les modernes , le phénomène dont il s'agit a été indiqué i)ar Mersenne dans son Ira'dé de V If a7-mo7iieîmiver selle, Sauveur (voy. ce nom) en a fait l'analyse, et Rameau y a puisé la base de sa théorie de l'harmonie donnée par la nature, et de la basse fondamentale.
A DRI AIVI (François) , compositeur italien , naquit à Santo-Severino, dans la Marche d'An- cône, en 1539. En 1593 il fut nommé maître de chapelle de Saint- Jean de Latran; mais il n'occupa cette place que pendant dix-huit mois environ, étant mort le 16 août 1575, à l'âge de trente-six ans. Il fut inhumé dans l'église des Douze-Apôtres, et Ton plaça sur son tombeau une inscription honorable qui a été rapportée par Bona- venture Malvasia (Co?«pc«d. stor. délia Basilica de' SS. A'//^p.).Ce musicien a écrit des psaumes à quatre voix qui ont été publiés avec ceux de Jacques de Waet, sous ce titre: Adriani et 3a- chet Psalmi vesperlim omnium festorum per annum, quatuor vocum; Venise, 1567, in-4''. Toutefois il se peut qu'il y ait ici confusion de noms, et que VAdrianus dont il est question dans le titre de cet ouvrage ne soit autre qu'A- drien Willaert. Gesner indique des chansons à quatre voix et des motets sous le nom d'Adriani (Dibl. m epit. redac, lib. YIF, lit. 5), qui pour- raient bien aussi appartenir au même Willaert.
ADRIAKSEiV (Emmanuel), luthiste fort ha- bile, qui vivait dans la seconde moitié du seizième siècle, était né à Anvers. C'est le même musicien dont le nom, assez singulièrement latinisé, est écrit Hadrianius par quelques auteurs, et môme sur les titres de ses ouvrages. Adriansen a publié deux suites de pièces pour un , deux, trois et quatre luths, à quatre et cinq parties, arrangées d'après des compositions de Cyprien Rore, Roland de Lassus, Jachet de Berchem, Jacques de Waet, Philippe de Mons , Noé Faignient et Hubert Waelrant. Ces recueils ont pour titre : Pratum viusictim longe amœnissimum, ciijus spatio- sissimo eoque jucundissimo ambitu {prœter varii genehs axiomata seu phantasias) com- prehendiintur.... omnia ad testudlnis tabula- turam fideliter redacta,pcr id genus musices experientissimum artificem Emanuelem Ila- drianiiim Anverpiensem. Ant. Pet. Phalesins, 1584, in-toi.; ib. 1592. Une troisième édition a été publiée par P. Phalèse, à Anvers, en 1600, in-fol. La tablature employée dans la notation de <:es recueils est un des plus anciens monuments typographiques de la notation particulière du lulh. Dans sa dédicace à Balthasar de Robiano, bour- iSeois el marchand d'Aiivers, Adriansen dit qu'il
a fait une étude approfondie de la musique, ef qu'il a poussé aussi loin qu'il était possible l'art de jouer, non de la guitare, comme l'a dit M. de Reiffenberg {Lettre à M. Fétis, sur quelques particularités de l'histoire musicale de la Belgique, dans le Becueil encycl. belge, i. Il, p. 67), mais du luth (dont le nom latin était tes- tudo). Il n'y a rien qui ne soit vrai dans ce que ce musicien dit de lui-même; carnon-seulement il était évidemment le luthiste le plus habile de son temps, mais les virtuoses les plus renommés au commencement du dix-huitième siècle auraient eu quelque peine à jouer ses pièces. Sous le rapport de l'art d'écrire , cette musique est éga- lement remarquable, et c'est vraiment une mer- veille de combinaison harmonique que la fantaisie d'Adriansen pour quatre luths sur la chanson llamande d'Hubert Waelrant : Als ick winde. La collection des pièces de ce luthiste célèbre con- tient douze préludes, cinq fantaisies, trente- quatre madrigaux, cinq motets, dix chansons napolitaines, cinq gagliardes; neuf passamèses, allemandes, courantes et branles.
ADRIEIV (Martin- Joseph), ou plutôt Andrien, dit La Neuville, on Adrien l'aîné, naquit à Liège en 1766. Après avoir étudié la musique à la maîtrise de la cathédrale de cette ville, il vint à Paris, et fut admis à l'Ecole royale de chant qui avait été formée aux Menus-Plaisirs par le baron de Breteuil. Le 20 juin 1785, il entra à l'Opéra, aux appointements (ie quinze cents francs, et trente francs de gratihcation par chaque représentation. Eu 1786 il fut reçu au même théâtre pour y jouer en partage avec Chéron les rôles de basse, tels que ceux de rois, de grand prêtre, etc. Comme acteur, il obtint du succès, parce qu'il avait de la chaleur et de l'in- telligence; mais sa voix était dure et ingrate. Personne, d'ailleurs, n'était plus infatué que lui du système de déclamation exagérée qui régnait sur ce théâtre et qui en éloignait qui- conque avait une oreille délicate. Adrien en fut la victime. Doué de la constitution la plus robuste , il ne put néanmoins résister à ces cris perpétuels; sa santé se dérangea, et, quoique jeune encore , il fut obligé d'abandonner la scène et de se retirer en 1804. L'administration de l'Opéra le nomma alors chef du chant. L'expé- rience ne l'avait pas éclairé, et il enseigna aux débutants les erreurs qu'il avait mises lui-même en pratique. A la mort de Laîné (mars 1822), Adrien fut appelé à remplir sa place de professeur de déclamation lyrique à l'Ecole royale de mu- sique; mais il ne jouit pas longtemps de sa nouvelle position, car il mourut le 19 novembre de la même année. Adrien a comjjosé la musique
ADRIEN — AERTS
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de Vllymne à la Victoiî'e sur l'évacuation du territoire français (vendémiaire an m) et de l'hymne